Intertextuality: Textual Dynamics and Didactic Applications
L’intertextualité: Dynamiques Textuelles et Exploitations Didactiques
Prepared by the researche : Houda El Ouafi – Moroccan school of Engineering Sciences (EMSI), Rabat, Morocco
Democratic Arabic Center
Arabic journal for Translation studies : Ninth Issue – October 2024
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
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Abstract
In this article, we explore the notion of intertextuality, defined as the set of relationships and influences that exist between different literary texts. Drawing on the theories of Bakhtin, Kristeva, Barthes, and Genette, we highlight how each text engages in dialogue with others, whether through explicit citations, subtle allusions, or creative transformations. Intertextuality is presented as a dynamic process in which texts mutually enrich each other, offering new perspectives for reading and interpretation.
The article also examines the pedagogical value of this concept in the teaching of literature. An experiment conducted with secondary school students in Morocco illustrates this approach. After studying La Chèvre de Monsieur Seguin, the students rewrote a scene by integrating elements from the tale Le Joueur de Flûte. This activity allowed the students to concretely discover the mechanisms of intertextuality while fostering their creativity and enhancing their understanding of the works.
In conclusion, the article demonstrates that intertextuality is not merely an abstract literary theory but a powerful didactic tool. By enabling students to recognize and exploit the connections between texts, it promotes a more critical and active reading, transforming the literary experience into an interactive and creative process.
Résumé
Dans cet article, nous explorons la notion d’intertextualité, définie comme l’ensemble des relations et influences qui existent entre différents textes littéraires. S’appuyant sur les théories de Bakhtine, Kristeva, Barthes et Genette, nous mettons en lumière comment chaque texte dialogue avec d’autres, que ce soit à travers des citations explicites, des allusions subtiles ou des transformations créatives qui offrent de nouvelles perspectives de lecture et d’interprétation.
L’article examine également l’intérêt pédagogique de ce concept dans l’enseignement de la littérature. Une expérimentation menée auprès d’élèves du cycle secondaire marocain illustre cette approche. Les élèves, après avoir étudié La Chèvre de Monsieur Seguin, ont réécrit une scène en y intégrant des éléments du conte Le Joueur de Flûte.
En conclusion, l’article montre que l’intertextualité n’est pas seulement une théorie littéraire abstraite, mais un outil didactique puissant. En permettant aux élèves de reconnaître et d’exploiter les connexions entre les textes, elle favorise une lecture plus critique et active pour transformer l’expérience littéraire en un processus interactif et créatif.
Au carrefour des champs linguistique et littéraire, l’intertextualité se présente comme étant la manifestation tangible des liens entre plusieurs textes. Son étude dévoile les nombreuses connexions, résonances et influences intertextuelles, fournissant ainsi une perspective singulière sur l’évolution de la pensée littéraire. De ce fait, ce concept prend, en didactique de la littérature, une dimension particulièrement plus significative étant donné qu’elle offre aux apprenants un moyen d’aborder la littérature dans sa continuité, ses interférences et ses fêlures. Cette dernière est alors considérée comme un vaste réseau interconnecté où chaque œuvre peut être appréhendée comme une fresque de références, une mosaïque de significations. C’est dans ce sens qu’il parait intéressant d’explorer l’apport de la prise en considération de l’intertextualité en milieu scolaire. Dans quelle mesure pourrait-elle enrichir l’expérience de lecture en classe ?
L’intertextualité offre, dans le contexte éducatif, des perspectives innovantes pour enseigner la littérature étant donné qu’elle permettrait aux élèves l’exploration active des relations entre les textes et la création de nouvelles significations à travers la réécriture. Ainsi, nous posons les hypothèses suivantes :
- L’intégration de l’intertextualité dans l’enseignement littéraire améliore la compréhension des textes chez les apprenants en les amenant à reconnaître les connexions entre différentes œuvres.
- Les activités de réécriture intertextuelle stimulent la créativité des apprenants tout en facilitant une appropriation plus personnelle des textes.
- L’intertextualité favorise une lecture critique et active qui rend l’expérience littéraire plus engageante pour les apprenants.
La théorie d’intertextualité trouve une de ses pierres angulaires dans l’approche du dialogisme de Bakhtine. Ce concept fondamental dans l’émergence de celui de l’intertextualité prend forme spécialement dans ses deux ouvrages majeurs L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance[1] ( Bakhtine,1965) ainsi que Problèmes de la poétique de Dostoïevski[2] (Bakhtine, 1970) où le philosophe et critique littéraire établit sa conception du discours comme fondamentalement dialogique. Il met en avant la façon dont tout texte fait écho à un autre. Ainsi l’œuvre de Rabelais serait l’incarnation de la littérature carnavalisée alors que le roman polyphonique se voit naître avec Dostoïevski. De cela, le roman est l’incarnation par excellence du langage comme phénomène dialogique, où chaque énoncé porte en lui les traces d’autres discours antérieurs. Ainsi, il soutient que le texte est une entité dialogique qui répond ou fait référence à d’autres textes. Sa théorie met en avant l’idée selon laquelle l’ensemble des textes sont en permanent dialogue avec d’autres textes, contemporains, antérieurs ou même futurs, et par déduction, que les textes littéraires ne surgissent jamais ex nihilo mais qu’ils tiennent leur naissance d’une connexion avec un vaste réseau constitué d’autres œuvres.
« L’objet du discours d’un locuteur, quel qu’il soit, n’est pas objet de discours pour la première fois dans un énoncé donné, et le locuteur donné n’est pas le premier à en parler. L’objet a déjà, pour ainsi dire, été parlé, controversé, éclairé et jugé diversement, il est le lieu où se croisent, se rencontrent et se séparent des points de vue différents, des visions du monde, des tendances. Un locuteur n’est pas l’Adam biblique, face à des objets vierges, non encore désignés, qu’il est le premier à nommer […] Un énoncé, cependant, est relié non seulement aux maillons qui le précèdent mais aussi à ceux qui lui succèdent dans la chaîne de l’échange verbal. [L’]énoncé, dès son tout début, s’élabore en fonction de la réaction-réponse éventuelle, en vue de laquelle il s’élabore précisément »[3] ( Bakhtine, 1984, p.263)
Pendant les années soixante, Julia Kristeva s’appuie sur le dialogisme Bakhtinien pour développer le cadre conceptuel des relations intertextuelles. Elle introduit la notion d’intertextualité, orthographiée quelques fois inter-textualité, dans son article seminal « Bakhtine, le mot, le dialogue et le roman » publié dans la revue « Critique ». Cette conception est ensuite reprise et développée dans l’ouvrage collectif du groupe Tel Quel Théorie d’ensemble[4]. (Sollers, 1968) Elle y soutient que chaque texte est le résultat d’un un patchwork de citations issu d’un jeu de renvoi à d’autres textes. Elle décrit ce phénomène textuel de la sorte :
« Dans l’espace d’un texte, plusieurs énoncés pris à d ‘autres textes, se croisent et se neutralisent. Le texte est une combinatoire, le lieu d’un échange constant entre des fragments que l’écriture redistribue en construisant un texte nouveau, à partir de textes antérieurs, détruits, niés, repris »[5]( Kristeva, 1969, p. 299)
Ainsi, le texte est représenté tel une combinatoire, un espace d’échange permanent où l’écriture reconstruit, nie ou réintègre des œuvres antérieures dans la création d’une nouvelle. Cette conceptualisation met la lumière sur le préfixe « inter » en montrant son héritage de la pensée bakhtienne. Cependant, elle ne manque pas de diverger de son précepteur sur plusieurs aspects. D’abord elle remet en cause le rôle du sujet locuteur et convoque les textes poétiques dans le champ de l’intertextualité. En effet, tandis que Bakhtine mettait en avant l’importance de l’auteur dans son œuvre, Kristeva, en intégrant le collectif Telquel- dont l’objectif est de remettre en cause les approches traditionnelles qui s’appuyait sur la biographie et la psychologie des auteurs-, tend à abolir la figure de l’auteur comme sujet énonciateur.
« L’écriture à la fois comme subjectivité et comme communicativité ou comme intertextualité ; face à ce dialogisme, la notion de « personne-sujet de l’écriture » commence à s’estomper pour céder la place à une autre, celle de « l’ambivalence de récriture »[6] ( Kriteva, 1969, p. 88)
L’intertextualité, selon Kristeva, transcende la simple répétition d’un texte préalablement existant. Elle est envisagée comme un élan créatif, une force motrice qui pousse le texte vers des horizons de significations inexplorées et des formes renouvelées. Ainsi, dans son ouvrage « La Révolution du Langage Poétique »[7]( Kriteva, 1974) elle se détourne de toute idée de mimétisme textuel en envisageant l’intertextualité comme une sorte de transposition qui s’éloigne de la duplication au service de la création. A travers ce prisme, tout texte est une entité vivante, une sorte de palimpseste où de multiples fragments de textes sont superposés pour donner naissances à de nouveaux. C’est ce que Laurent Jenny, illustre en avançant que, l’intertexte « parle une langue dont le vocabulaire est la somme des textes existants »[8]. (Laurent, 1976, p.226)
De son côté, Sollers, avance que « tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la profondeur. »[9]( Sollers, 1986, p. 75) . En reprenant cette notion, il s’avère important d’examiner le caractère continuellement en devenir du texte, d’explorer sa nature évolutive telle une entité qui vit et qui se développe grâce à l’apport perpétuel de ses pairs littéraires. L’intertexte se voit alors similaire à une vaste toile où chaque fragment est en soi une œuvre complète, regroupée avec d’autres pour former une fresque de la littérature.
Cette dynamique entre les différents textes ne se limite pas à la simple reconnaissance et transformation des textes antérieures mais requiert également une réassignation des espaces textuels, une redéfinition des sens et des contextes qui était préalablement établis. La notion de textes d’origine est ainsi estompée pour faire place à un système cartographique de signifiants en perpétuelle réarticulation. Cette dernière est, intrinsèquement, révolutionnaire car elle réactualise les fondements du déjà-écrit, mettant en place une dimension où le texte opère comme un champ de forces en action.
Le concept d’intertextualité souligne le caractère actif de la lecture et celui réactif de l’écriture où chaque texte littéraire est le cadre d’un échange permanent, une scène où se produisent et se reproduisent des scénarios connus, mais surtout où naissent de nouvelles significations. En s’inscrivant dans cette dynamique intertextuelle, l’auteur intègre une chaine faite de transmission et de transformation, devenant à la fois l’héritier et l’innovateur.
« Un tel texte ne « s’inspire » pas d’autres textes, il n’a pas de « sources » : il les relit, les réécrit, les redistribue dans son espace ; il en découvre les jonctions, les sous-bassements à la fois formels et idéologiques qu’il fait servir à sa propre séance. »[10] (Sollers, 1968, p.323)
L’apport de Julia Kristeva et de Sollers nous amène à reconsidérer le rôle de l’écrivain, limité auparavant à un simple créateur de contenu. Il est érigé au rang d’architecte de lien, une sorte de lecteur-écrivain qui ne cesse, dans son acte créatif, de retracer les frontières de l’intertextualité.
A ses conceptions, d’autres s’en sont suivis . Gérard Genette détaille les recherches et explique l’influence d’un texte sur l’autre en évoquant, dans Proust Palimpseste[11](Genette, 1979) , La métaphore de l’ancien manuscrit dont le premier texte a été effacé pour être réécrit mais dont les traces restent légèrement visibles.
« Je définis [l’intertextualité], pour ma part, de manière sans doute restrictive, par une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire […] par la présence effective d’un texte dans un autre. »[12] (Genette, 1982, p.8)
il met en avant l’idée selon laquelle l’écriture de Marcel Proust, de par sa richesse à d’autres écrits, est en effet un palimpseste. Quelques années plus tard, il propose une nouvelle configuration en introduisant la transtextualité, un concept qui englobe plusieurs manières dont le texte littéraire peut se lier à d’autres textes. Il établit ainsi la taxonomie suivante :
Figure : La taxonomie des relations transtextuelles selon Gérard Genette.
L’intertextualité : Il s’agit de la relation la plus explicite où le texte est directement évoqué dans un autre texte , « de coprésence entre deux ou plusieurs textes » [13]( Genette, 1982, p.13)
La paratextualité : On fait référence à l’ensemble des éléments de contexte qui accompagnent le texte principal, qu’il s’agisse de titres, de préfaces… et qui sont susceptibles d’influencer sa réception. Gérard Genette la définit en ces mots :
« […] la relation, généralement moins explicite et plus distante, que, dans l’ensemble formé par une œuvre littéraire, le texte proprement dit entretient avec ce que l’on ne peut guère nommer que son paratexte : titre, sous-titre, intertitres ; préfaces, postfaces, avertissements, avant-propos, etc. ; notes marginales, infrapaginales, terminales ; épigraphes ; illustrations ; prière d’insérer, bande, jaquette, et bien d’autres types de signaux accessoires, autographes ou allographes, qui procurent au texte un entourage (variable) et parfois un commentaire. »[14] ( Genette, 1982, p.10)
La métatextualité : Il s’agit d’une relation plus critique et plus abstraite où le texte est fait référence et commente un autre texte « sans nécessairement le citer (le convoquer), voire, à la limite, sans le nommer »[15]. ( Genette, 1982, p.12)
L’architextualité : Il est question de dénoter le rapport d’un texte avec les conventions relatives au genre littéraire auquel il appartient. Il la définit comme étant « l’ensemble des catégories générales, ou transcendantes — types de discours, modes d’énonciation, genres littéraires, etc. — dont relève chaque texte singulier. »[16] (Genette, 1979, p.7)
L’hypertextualité : Il s’agit de la disparition par transformation de l’hypotexte (le texte antérieur) au service de l’hypertexte (le texte). En effet, grâce à l’adaptation ou à la parodie, la connexion entre les textes opère tel un palimpseste où le texte antérieur transparaît à travers le nouveau.
Gérard Genette propose un cadre organisé pour aborder les intrications textuelles, allant des plus évidentes au plus subtiles. En mettant la lumière sur la variété des rapports intertextuels, la reconnaissance des variétés des échos et des traces laissées mutuellement dans les textes devient possible. Cette compréhension des rapports transtextuelles nous emmène naturellement vers l’examen de l’incarnation concrète de ses liens dans les œuvres littéraires.
Dans de nombreux articles dédiés à l’intertextualité, Rifaterre cherche à donner des définitions précises de l’intertextualité et de l’intertexte, tout en appliquant ces concepts sur des exemples concrets d’analyse de texte littéraires, notamment des poèmes. Il définit, respectivement, les deux notions comme suit :
« L’intertextualité est à perception, par le lecteur, de rapports entre une œuvre et d’autres qui l’ont précédée ou suivie. Ces autres œuvres constituent l’intertexte de la première. » [17] (Riffaterre, 1980, p.4)
« L’intertexte est l’ensemble des textes que l’on peut rapprocher de celui que l’on a sous les yeux, l’ensemble des textes que l’on retrouve dans sa mémoire à la lecture d’un passage donné. L’intertexte est donc un corpus indéfini. » [18](Riffaterre, 1979, p.4).
Dans ce sens, Riffaterre s’intéresse essentiellement à la manière dont le sujet-lecteur aborde le texte littéraire. Il soutient que chaque lecteur ajoute à un texte des connaissances et des expériences préalables, qui de par leur caractère unique, façonnent son interprétation. La mémoire et la culture du lecteur sont ainsi essentiels dans la formation de l’intertexte, enrichissant et diversifiant les liens possibles dans la mesure où les textes subséquents et antérieurs ne se limitent pas à être des influences passives mais participent de façon active à la construction du sens.
Cette approche souligne la distinction cruciale entre l’intertextualité obligatoire et l’intertextualité aléatoire. La première se réfère aux liens entre les textes qui sont si fortement ancrées dans le texte qu’elles dictent une certaine interprétation et sont presque inévitables à percevoir par le lecteur. En revanche, la seconde dépend entièrement de l’expérience personnelle du lecteur, de sa culture et de sa mémoire. Elle se manifeste lorsqu’il établit des liens personnels ou subjectifs avec d’autres textes, qui peuvent ne pas être intentionnellement insérés par l’auteur ou évidents pour tous les lecteurs.
Ainsi, La littérature est considérée comme un dialogue continu, où le texte lu n’est pas isolé mais participe à un réseau de significations et de références, enrichi par les contributions variées des lecteurs. Cette conception de l’intertextualité telle qu’avancée par Riffaterre suggère que la signification d’un poème, à titre d’exemple, ne réside pas exclusivement dans les mots qui le forment mais également dans les relations dynamiques qu’entretiennent et évoquent ces mots avec d’autres textes. Cette approche élargit le champ de l’analyse littéraire, impliquant de ne pas se restreindre au texte en soi mais de prendre en considération le réseau complexe de textes qui l’entourent, qu’ils soient explicitement présents dans le texte ou évoqués par le sujet-lecteur.
C’est donc un phénomène subjectif qui repose essentiellement la capacité du lecteur à reconnaitre les liens avec d’autres textes. L’intertexte, quant-à-lui, est un espace vivant de dialogue entre le lecteur et le texte abordé qui rend chaque extrait lu tel un carrefour où plusieurs textes, réminiscences, allusions culturelles se croisent, se confrontent, se questionnent et se redéfinissent réciproquement.
La théorie littéraire moderne a été profondément marquée par l’approche de Roland Barthes envers l’intertextualité. S’inscrivant dans la même lignée de Julia Kristeva, il redéfinit, pendant les années soixante-dix, le concept d’intertextualité dans une perspective qui transcende les frontières conventionnelles. Ainsi, dans son Plaisir dutexte, il met en avant la métaphore du texte comme tissu afin d’illustrer la complexité et la nature interconnectée et évolutive de l’écriture :
« Texte veut dire Tissu ; mais alors que jusqu’ici on a toujours pris ce tissu pour un produit, un voile tout fait, derrière lequel se tient, plus ou moins caché, le sens (la vérité), nous accentuons maintenant, dans le tissu, l’idée générative que le texte se fait, se travaille à travers un entrelacs perpétuel ; perdu dans ce tissu –cette texture- le sujet s’y défait, telle une araignée qui se dissoudrait elle-même dans les sécrétions constructives de sa toile. Si nous ailions les néologismes, nous pourrions définir la théorie du texte comme une hyphologie (hyphos, c’est le tissu de la toile d’araignée). »[19] (Barthes, 1973, p. 85)
Barthes poursuit en remettant en cause la tradition de tenter de trouver des influences spécifiques ou des origines dans un texte. Il maintient que les textes sont formés d’éléments anonymes, provenant d’œuvres différentes :
« L’intertextuel dans lequel est pris tout texte, puisqu’il est lui-même l’entre-texte d’un autre texte, ne peut se confondre avec quelque origine du texte : rechercher les « sources », les « influences » d’une œuvre, c’est satisfaire au mythe de la filiation ; les citations dont est fait un texte sont anonymes, irrepérables et cependant déjà lues : ce sont des citations sans guillemets. »[20] (Barthes, 1984, p.73)
Cette approche reposant sur l’anonymat de l’intertextualité remet en question la pratique de tenter de trouver un sens unique et précis au texte ou un message défini par l’auteur. Il développe davantage cette idée dans Le bruissement de la langue affirmant qu’:
« Un texte n’est pas fait d’une ligne de mots, dégageant un sens unique, en quelque sorte théologique (qui serait le « message » de l’Auteur-Dieu), mais un espace à dimensions multiples, où se marient et se contestent des écritures variées, dont aucune n’est originelle : le texte est un tissu de citations, issues des mille foyers de la culture »[21] (Barthes, 1984, p.65)
Cette perspective est en soi la déconstruction de la notion d’originalité dans la littérature puisque tout texte est inhérentement un mélange de plusieurs influences culturelles.
Barthes minimise le rôle de l’auteur dans la création du sens d’un texte, idée devenue centrale dans la critique littéraire moderne :
« L’Auteur une fois éloigné, la prétention de « déchiffrer » un texte devient tout à fait inutile. Donner un Auteur à un texte, c’est imposer à ce texte un cran d’arrêt, c’est le pourvoir d’un signifié dernier, c’est fermer l’écriture. »[22] (Barthes, 1984, p.65)
Ainsi, il affirme la liberté du sujet-lecteur dans l’interprétation du texte, s’écartant de l’univocité de l’interprétation. Toutefois, il reconnait que son approche élargie de l’intertextualité présente des défis pour les analyses stylistiques ou poétiques traditionnelles :
« Et c’est bien cela l’inter-texte : l’impossibilité de vivre hors du texte infini – que ce texte soit Proust, ou le journal quotidien, ou l’écran télévisuel : le livre fait le sens, le sens fait la vie. »[23] (Barthes, 1973, p. 51)
La complexité et le caractère évolutif de la compréhension littéraire sont alors soulignés par la reconnaissance de la subjectivité inhérente dans la lecture et de l’analyse littéraires.
En littérature, l’intertextualité apparait de différentes façons mettant en lumière le caractère complexe des liens susceptibles de connecter plusieurs œuvres. Ainsi, l’on retrouve des œuvres où l’écrivain fait subtilement écho à une autre œuvre afin d’offrir l’occasion au lecteur averti et attentif de saisir la délicatesse de la référence. Dans d’autres cas, les références peuvent être plus explicites dans la mesure où il s’agit de créer un pont immédiat entre deux textes. Le pastiche, à titre d’exemple, où l’on décèle le style de l’auteur ou de l’œuvre imités. La parodie, à son tour, invite l’auteur de se servir du style d’une œuvre ou d’un autre auteur dans le dessein de critiquer[24]. (Genette, 1982)
Ces différentes manifestations intertextuelles, qu’elles soient explicites ou subtiles, ne se limitent pas au champ littéraire théorique. En effet, ces concepts trouvent une résonance particulière dans le domaine de l’enseignement, où l’intertextualité devient un outil pédagogique efficace pour inciter les élèves à appréhender les textes de manière dynamique et interactive. La multiplicité des liens entre les œuvres ouvre la voie à une pédagogie de la création et de l’analyse critique, où les élèves sont invités à jouer un rôle actif dans la découverte des résonances textuelles.
Mise en œuvre expérimentale
C’est dans cet esprit que nous avons mené une expérience auprès d’une classe de deuxième année du cycle secondaire collégial dont le but était de faire découvrir aux élèves la manière dont les textes dialoguent entre eux et ce, à travers l’exploration de cette dynamique intertextuelle à travers des activités pratiques.
- Objectif de l’expérimentation
L’objectif principal de cette expérimentation était de sensibiliser les élèves à la notion d’intertextualité en leur montrant comment les textes littéraires s’influencent mutuellement. Il s’agissait de montrer que l’intertextualité ne se limite pas à des références explicites, mais peut également se manifester à travers des réécritures créatives, des transformations et des dialogues subtils entre œuvres.
- Population cible
La population concernée par cette expérimentation était constituée d’élèves de deuxième année du cycle collégial, c’est à dire âgés de 13 à 14 ans, dans un établissement marocain privé. Les élèves avaient un niveau de compréhension de la littérature modéré, avec une exposition préalable à l’œuvre support, à savoir : La Chèvre de Monsieur Seguin.
- Méthodologie et déroulement de l’activité
L’expérimentation s’est déroulée sous forme d’un atelier de réécriture intertextuelle, au cours duquel les élèves ont été divisés en six petits groupes de cinq élèves.
Objectif | Déroulement | |||
Séance 1 |
Introduire les élèves au concept d’intertextualité et préparer le travail de réécriture.
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Introduction au projet. |
Explication du concept d’intertextualité et présentation de l’objectif de l’atelier de réécriture. | |
Rappel de
La chèvre de Monsieur Seguin |
Les élèves avaient déjà abordé cette œuvre en classe avec leur enseignante. Nous avons donc fait un rappel rapide de l’histoire, des personnages, notamment la chèvre et le loup, et des thématiques principales, à savoir : la liberté et le danger. | |||
Lecture et
explication du Joueur de Flûte |
La séance a été consacrée à la découverte du conte du Joueur de Flûte. Une lecture collective a été faite, suivie d’une explication des thèmes clés du conte : le pouvoir de la musique, la manipulation et la liberté. Les élèves ont compris les thématiques des deux œuvres pour comprendre comment elles pouvaient se relier. | |||
Séance 2 |
Introduire les élèves au concept d’intertextualité et préparer le travail de réécriture. |
Rappel du concept de l’intertextualité | Introduction théorique du concept d’intertextualité. Nous avons expliqué comment les textes dialoguent entre eux, en donnant des exemples simples de références littéraires présentes dans les œuvres populaires. | |
Discussion autour des deux œuvres | Nous avons ensuite discuté des liens possibles entre La Chèvre de Monsieur Seguin et Le Joueur de Flûte. Les élèves ont proposé des idées sur comment ces œuvres pourraient être réécrites ensemble, en réfléchissant aux similitudes et différences entre les deux histoires. | |||
Formation des groups | Les élèves ont été divisés en six petits groupes de cinq, chacun chargé de réécrire le même passage de La Chèvre de Monsieur Seguin en y intégrant à des éléments du Joueur de Flûte. | |||
Séance 3 | Réécrire une scène de La chèvre de Monsieur Seguin en y intégrant des éléments tirés du Joueur de Flûte. | Travail en groupe | Les groupes se sont concentrés sur la réécriture de la scène de la fuite de La chèvre de Monsieur Seguin, en intégrant les thèmes, personnages ou éléments narratifs du Joueur de Flûte. | |
Corrections et ajustements | Une fois le travail de réécriture terminé, chaque groupe nous a fait part de son texte pour des corrections de forme et des ajustements sémantiques. | |||
Séance 4 | Lecture des réécritures | Chaque groupe a nommé un lecteur pour présenter sa version réécrite de la scène à l’ensemble de la classe. Les groupes ont expliqué les choix qu’ils ont faits, notamment pourquoi et comment ils ont intégré certains éléments du Joueur de Flûte. | ||
Discussion collective | Une discussion entre pairs a eu lieu où tous les participants ont réfléchi aux éléments intertextuels intégrés et à leur effet sur le texte original. Les élèves ont discuté de l’impact de la musique, de la liberté, de la manipulation et de la transformation des personnages dans les différentes réécritures. | |||
Bilan et retour sur | Nous avons fait un retour global sur les productions, en soulignant la manière dont l’intertextualité a enrichi la réécriture des scènes et la compréhension des textes. Les élèves ont été encouragés à réfléchir sur la richesse des dialogues entre les textes et la créativité qu’ils peuvent apporter à la littérature. | |||
- Résultats et observations
L’activité a permis de faire émerger plusieurs constats significatifs concernant l’impact de l’intertextualité sur l’apprentissage littéraire des apprenants. D’abord, ces derniers, qui étaient dans un premier temps réticent face à l’idée de produire des textes, ont montré avoir apprécié la réécriture créative qui leur a donné l’impression de pouvoir s’approprier les œuvres de manière innovante. Ils ont particulièrement apprécié la liberté de transformer une œuvre classique en y intégrant des éléments d’un autre texte qu’ils découvraient pour la première fois et la diversité des points de vue exposée lors de la phase de lecture. De plus, l’atelier a favorisé une meilleure compréhension du concept d’intertextualité. En réécrivant la scène où la chèvre décide de prendre la fuite avec des éléments du Joueur de Flûte, les élèves ont pu tisser des liens entre les deux œuvres et saisir comment les textes dialoguent entre eux. Cette approche a permis de rendre plus concret un concept qui, autrement, aurait pu rester abstrait pour leur niveau. Enfin, cette expérience a été l’occasion d’initier les apprenants à l’analyse et à la création littéraire. La réécriture intertextuelle a mis en évidence la dimension créative de l’intertextualité tout en incitant les élèves à réfléchir aux significations multiples que peuvent revêtir les textes.
- Discussion et conclusion
L’expérimentation menée en classe a révélé l’efficacité pédagogique de l’intertextualité comme levier d’enseignement de la littérature en classe de français en général, et au secondaire collégial en particulier. L’association des textes accessibles aux apprenants à travers des activités créatives, telles que la réécriture intertextuelle, permet d’introduire des concepts théoriques complexes de manière ludique et engageante au service de l’enrichissement de la culture littéraire. Dans ce sens, ce cadre expérimental a mis en lumière la capacité des apprenants à appréhender la littérature non comme une série d’œuvres isolées mais comme un réseau d’échos et de références. Cette façon de leur présenter la littérature favoriserait une lecture plus éveillée où les apprenants deviennent des co-créateurs du sens, interprètent et tissent des liens avec d’autres références de lecture.
Les hypothèses formulées trouvent confirmation dans les observations faites au cours de l’expérience. Les élèves ont effectivement développé une meilleure compréhension des extraits lus en classe. De plus, l’intertextualité a contribué à stimuler la créativité des apprenants, qui ont réinterprété les textes d’une manière personnelle et innovante. Enfin, l’expérience a révélé que l’intertextualité favorise un engagement intellectuel plus significatif, où les élèves deviennent co-créateurs des significations littéraires.
Conclusion
Au-delà de la simple création littéraire, l’intertextualité enrichit l’expérience du lecteur étant donné qu’elle l’incite à détecter les multiples couches de signification entre les textes et à comprendre comment les œuvres se répondent à travers le temps. Par exemple, la compréhension d’une parodie ou d’un pastiche dépend de la connaissance préalable de l’œuvre originale, permettant ainsi au lecteur de capter les nuances humoristiques, critiques ou stylistiques. En cela, l’intertextualité ouvre un espace de dialogue non seulement entre les textes, mais aussi entre le texte et son lecteur, ce qui renforce l’importance de la dimension historique et culturelle dans l’analyse littéraire.
Dans le contexte du système éducatif marocain, l’intégration de l’intertextualité pourrait contribuer à remédier aux difficultés rencontrées dans l’enseignement de la littérature, notamment en renforçant l’intérêt des élèves pour les textes littéraires. Les pratiques pédagogiques interactives, basées sur la réécriture et l’analyse critique, permettent en plus d’améliorer les compétences discursives des apprenants, de favoriser une culture littéraire plus riche et vivante. L’adaptation de cette méthode en classe de français marocaine pourrait donc transformer la perception et la pratique de l’enseignement littéraire chez l’élève et ce, en accord avec les objectifs d’innovation pédagogique.
List of Bibliography
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- Riffaterre, M. (1980). La Trace de l’Intertexte . La Pensée, (215), p. 4-18.
- Riffaterre, M. (1981). L’Intertexte Inconnu. Critique, (412), p. 4-7.
- Sollers, P. (1968). Niveaux Sémantiques d’un Texte Moderne. In: P. Sollers (Dir.), Théorie d’ensemble (p. 317-325). Paris: Seuil, coll. Tel Quel.
- Sollers, P. (1986). « Écriture et Révolution ». Dans P. Sollers (Dir.), Théorie d’ensemble (p. 67-79). Paris: Seuil, coll. Tel Quel.
- Sollers, P. (Dir.). (1968). Théorie d’ensemble. Paris: Seuil, coll. Tel Quel.
Annexes
Annexe 1: Le joueur de flûte de Hamelin D’après Prosper Mérimée (1829). Chroniques du règne de Charles IX
Il y a bien des années, les habitants de la ville de Hamelin furent tourmentés par une multitude de rats qui venaient du Nord, si nombreux que la terre en était toute noire. Ils dévoraient en un rien de temps tout ce qu’ils trouvaient. Souricières, ratières, pièges, poison étaient inutiles. On avait fait venir un bateau chargé de plusieurs centaines de chats ; mais rien n’y faisait. Pour mille tués, il en revenait dix mille, et plus affamés que les premiers. Bref, si personne n’avait trouvé de solution, tous les habitants seraient morts de faim. Voilà qu’un certain vendredi se présenta devant le maire de la ville un grand homme, sec, grands yeux, bouche fendue jusqu’aux oreilles, une plume au chapeau, un sac sur le dos, habillé d’une veste multicolore aux larges manches, d’un pantalon collant et de souliers pointus couleur de feu. Il offrit au maire, en échange de mille écus, de délivrer la ville de son fléau. Vous pensez bien que le maire et les habitants acceptèrent sans hésiter. Aussitôt l’étranger sortit de son sac une flûte de bronze. S’étant planté sur la place du marché devant l’église, il commença à jouer un air étrange comme on n’en avait jamais entendu. Voilà qu’au son de cette musique, de tous les greniers, de tous les trous de murs, de dessous les tuiles des toits, rats et souris, par centaines, par milliers, accoururent vers lui. L’étranger, toujours flûtant, se dirigea vers la rivière ; et là, ayant enlevé ses chaussures, il entra dans l’eau suivi de tous les rats de Hamelin qui furent aussitôt noyés. Ainsi la ville en fut débarrassée. Mais, quand l’étranger se présenta à la mairie pour toucher sa récompense, le maire et les habitants, réfléchissant qu’ils n’avaient plus rien à craindre des rats, n’eurent pas honte de lui offrir dix écus, au lieu des mille promis. L’étranger réclama son argent et menaça de se faire payer plus cher si la promesse n’était pas tenue. Les habitants éclatèrent de rire à cette menace et le mirent à la porte en lui jetant des pierres et en le traitant de « tueur de rats », injure que répétèrent les enfants en le suivant dans les rues jusqu’à la sortie de la ville. Le vendredi suivant, à l’heure de midi, l’étranger reparut sur la place du marché. Il tira de son sac une flûte bien différente de la première. Dès qu’il eut commencé d’en jouer, tous les enfants âgés de six à quinze ans furent attirés par la mélodie. Ils suivirent le joueur de flûte qui se mit en marche et sortirent de la ville avec lui. Ils le suivirent jusqu’à la montagne voisine, dans une caverne qui est maintenant bouchée. Le musicien entra et tous les enfants avec lui. On entendit quelque temps le son de la flûte qui diminua peu à peu. Enfin on n’entendit plus rien. On ne retrouva jamais les fils et les filles de Hamelin.
Annexe 2: Les rédactions des six groupes participants à la mise en œuvre expérimentale
La copie du groupe 1
La chèvre de Monsieur Seguin n’a jamais eu l’occasion de voir la montagne de plus près. Elle commençait à se sentir libre. Dès qu’elle a franchi les premiers rochers qu’une mélodie douce et mystérieuse s’éleva dans les airs. La chèvre s’arrêta brusquement, ses oreilles frémissantes. C’était une musique qui provenait de nulle part et de partout et qui l’envoutait. Intriguée, elle suivit les sons, sans savoir où cela la mènerait. Derrière un arbre, elle vit un homme qui jouait de la flûte, son visage était caché sous un large chapeau.
“Viens, approche ! ,disait la musique, je vais t’emmener loin d’ici, dans un endroit où tu seras libre et où les loups ne te feront aucun mal.”
Hésitante, une voix lui répétait : « C’est la liberté dont j’ai vraiment toujours rêvé. Qu’est ce qui me retient ? Monsieur Seguin ? »
Elle cessa de suivre la mélodie et rebroussa son chemin vers la ferme, mais c’était déjà trop tard. Le loup était là ! Il se cachait derrière un énorme buisson et dès que sa proie y approcha, d’un seul coup, il sauta !
La copie du groupe 2
En quittant l’enclos de Monsieur Seguin, la petite chèvre remarqua un objet brillant caché qui se cachait sous une pierre : une flûte en bois qui était sculptée finement. Elle l’attrapa entre ses dents hâtivement car elle lui rappela une légende que les chèvres racontaient de génération en génération, selon laquelle une flûte magique pouvait sauver du danger celle qui savait en jouer.
En approchant du sommet de la montagne et entendit le méchant loup hurler au loin, elle tenta de jouer une mélodie. Mais ses notes étaient dissonantes, maladroites. La chèvre ne savait pas y jouer. Malgré toutes ses tentatives, le son de la flûte n’effrayait pas le loup, qui se rapprochait de plus en plus d’elle. Face au danger et au désespoir, la chèvre comprit que la flûte ne la sauverait pas. Soudain, un homme sortit de nulle part sauta sur la flûte. A la première note, le loup sursauta de frayeur. Son sauveur était là !
La copie du groupe 3
Il commençait à faire nuit et la chèvre de Monsieur Seguin continuait à gambader joyeusement dans la montagne en savourant sa liberté nouvelle. Elle ignorait que le loup, silencieux et trompeur, l’observait de loin. Au moment où il s’apprêta à lui sauter dessus pour la dévorer, une mélodie retentit dans les airs. Le loup s’arrêta net. C’était une musique douce, apaisante, qui semblait l’hypnotiser. La chèvre apeurée à la vue de la bête sauvage, tourna la tête pour chercher la source de la musique. Elle vit un homme : c’était le fameux joueur de flûte, perché sur le sommet d’un rocher. Il l’avait sauvée et elle lui sera toujours fidèle.
La copie du groupe 4
La chèvre se préparait à fuir vers les montagnes lorsqu’elle entendit une première mélodie s’élever juste derrière elle. C’était de la flûte ! Elle se tourna et vit un homme mystérieux qui jouait des notes très envoûtantes. Ces dernières l’incitaient davantage à s’échapper de cette prison de Monsieur Seguin.
A sa grande surprise, une autre musique, plus dynamique et plus vive, résonna de l’autre côté. Un second joueur de flûte que Monsieur Seguin a engagé tentait de la persuader de rentrer à la maison. La chèvre, prise entre ces deux mélodies, ne savait plus que décider. La musique du premier flûtiste évoquait liberté alors que celle du second lui rappelait la sécurité. Tiraillée entre les deux choix, elle choisit finalement de suivre son propre chemin laissant tomber les deux musiques. La nuit tombée, seule face au danger du loup guetteur, elle se rendit compte qu’elle devait affronter son destin avec un grand courage.
La copie du groupe 5
La chèvre de Monsieur Seguin, rêvant de sa liberté, avait pris la fuite vers la montagne. Mais à peine elle parcourut quelques mètres, elle entendit une douce musique dont elle ignorait la source. C’était lui ! Le joueur de flûte qui s’était caché dans la forêt et qui jouait une mélodie si attirante que la chèvre en fut très tentée. La musique semblait lui faire la promesse d’une protection loin des dangers de la ténébreuse montagne. La chèvre resta un moment hésitante.
« Dois-je suivre la sécurité ou garder ma liberté ? Mais j’étais déjà en sécurité chez Monsieur Seguin ! J’ai peur ! » Mais au fond d’elle, elle était convaincue que la liberté était la chose la plus précieuse, son rêve le plus grand et la raison pour laquelle elle avait pris la fuite de la ferme. Elle ignora la belle mélodie et continua courageusement son chemin. Quelques heures plus tard, et pendant qu’elle avançait avec joie, elle entendit un bruit, un grondement derrière elle. Elle vit la fin : Le loup était là, il était prêt à bondir !
La copie du groupe 6
Monsieur Seguin était occupé à réparer son échelle cassée, la chèvre qui s’apprêtait à appliquer son plan pour la fuite, remarqua l’apparition d’un homme à la porte de l’enclos. Il lui sourit et tendit une petite flûte en bois.
« Attrape, c’est pour toi ! lui dit-il , c’est la seule chose qui puisse te protéger du loup »
La chèvre, étonnée de l’apparition du joueur de la flûte, accepta son cadeau. Tout au long du chemin vers la montagne, elle s’entraîna à jouer, mais les notes étaient toujours aussi ratées. Quand elle arriva au sommet, elle vit le loup surgir de l’ombre. Pensant avoir la solution, elle tenta une dernière fois de jouer une musique qui le repousserait/ La musique sortit mais le loup ne recula pas. Bien au contraire, il semblait se moquer des tentatives de la chèvre. La pauvre chèvre réalisa que la flûte ne la sauverait pas, elle la mit de côté , regarda le loup dans les yeux et se prépara à se battre pour survivre.