Research studies

Le rôle de la trajectoire socioprofessionnelle des entrepreneurs dans le déclenchement du processus de création de PME dans la région de Bejaia (Algérie)

The role of the socio-professional trajectory of entrepreneurs in triggering the SME creation process in the Bejaia region (Algeria)

 

Prepared by the researche :   Dr. Haderbache Bachir – Enseignant-chercheur en sociologie, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Laboratoire des Études sociologiques : Travail, Éducation, Réseaux et Espace (ESTERE) – Université Abderrahmane Mira de Bejaia, Algérie

Received: 01/01/2024 Accepted: 24/03/2024

Democratic Arabic Center

Journal of Social Sciences : Thirty-first Issue – March 2024

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN 2568-6739
Journal of Social Sciences

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Résumé

Le passage de l’Algérie d’une économie administrée à une économie de marché tend à redresser l’économie nationale et les espoirs de création de richesses et d’emplois reposent désormais sur la PME et l’entrepreneur. Beaucoup de recherches ont confirmé que la trajectoire socioprofessionnelle a un impact important sur le déclenchement du processus de création d’entreprise. Notre article vise à présenter une typologie de l’entrepreneur algérien et montrer l’importance des acquis professionnels et du capital relationnel et familial mobilisés lors du processus de création de l’entreprise. L’enquête qualitative qu’on a réalisée à l’aide des entretiens semi-directifs auprès d’une trentaine d’entrepreneurs activant dans la région de Bejaia a montré que les entrepreneurs sont répartis en cinq trajectoires socioprofessionnelles suivantes : les entrepreneurs chômeurs, les entrepreneurs issus du secteur public, les entrepreneurs immigrés, les entrepreneurs héritiers et de tradition entrepreneuriale, les entrepreneurs issus du secteur privé. L’enquête a révélé aussi la présence des aides des membres de la famille et des proches de l’entrepreneur dans la majorité des cas étudiés.

Abstract

  The transition of Algeria from an administered economy to a market economic tends to recover the national economy and the hopes of creation of wealth and employment rest henceforth on the small and medium enterprise and the entrepreneur. Many researches have confirmed that the socio-professional trajectory has an important impact on the triggering of the business creation process. Our article aims to present a typology of the Algerian entrepreneur and to show the importance of the professional assets and the relational and family capital mobilized during the process of creation of the company. The qualitative survey that we carried out with the help of semi-directive interviews with about thirty entrepreneurs operating in the region of Bejaia showed that the entrepreneurs are divided into five following socio-professional trajectories: the unemployed entrepreneurs, the entrepreneurs coming from the public sector, the immigrant entrepreneurs, the heir entrepreneurs and of entrepreneurial tradition, the entrepreneurs coming from the private sector. The survey also revealed the presence of helpers from family members and relative of the entrepreneur in the majority of the cases studied.

Introduction

La question de la création de PME en Algérie est d’actualité, car depuis le début des années 1990, le nombre de création de PME ne cesse d’augmenter. La crise multidimensionnelle qu’a connu le pays, notamment en matière de création des richesses et de l’emploi ainsi le modèle de la grande entreprise publique qui garantissait l’emploi et l’intégration des salariés s’essouffle.

La PME est présentée par les économistes, les sociologues et soutenue par les hommes politiques comme la solution aux problèmes socio-économiques hérités depuis l’ère de la grande entreprise. Aujourd’hui on compte plus 1300000 PME et le nombre ne cessent de s’accroitre. En effet beaucoup de jeunes et de chômeurs ont trouvé des dispositifs d’aide à la création d’entreprise une aubaine pour concrétiser leur projet et créer leur propre poste du travail. Toute fois ces nouveaux acteurs de l’économie algérienne restent peu connus en termes de caractéristiques socioprofessionnelles. Pour cette raison que nous avons réalisé cette recherche pour mieux connaitre cette catégorie et l’objectif principal consiste répondre aux questions suivantes :

– Qui sont ces entrepreneurs ? qu’elle est leur trajectoire socioprofessionnelle ? quelle est leur formation ? Comment la trajectoire professionnelle les a incités à créer leur propre entreprise ?

Pour répondre à ces questions nous avons émis l’hypothèse suivante :

– Les formations poursuivies, les expériences antérieures, l’appartenance à liens sociaux (la famille) sont les éléments constitutifs de la trajectoire des entrepreneurs activant dans la région de Bejaia. Ces éléments sont des facteurs déclencheurs du processus de création de l’entreprise.

Pour se faire, nous avons adopté la démarche qualitative et à l’aide de la technique de l’entretien semi-directif nous avons réalisé 30 entretiens auprès des entrepreneurs créateurs de PME activant dans la wilaya de Bejaia, l’échantillon contient des hommes et des femmes activant dans des secteurs divers (industrie, services, BTP et artisanat).

1.Caractéristiques socioprofessionnelle de l’entrepreneur algérien et les principales typologies :

Les travaux sociologiques sur la typologie des entrepreneurs algériens sont très rares, et Pierre Bourdieu est le premier sociologue qui a abordé l’entrepreneur algérien dans son livre « sociologie de l’Algérie ». Ainsi il a estimé que les artisans et les petits entrepreneurs de la dernière période coloniale, ont toutes les capacités d’être les futurs industriels de l’Algérie indépendante (Bourdieu, 2006). Dans une étude monographique réalisée vers la fin des années 1970, Jean Pennef a essayé de déterminer les trajectoires des chefs d’entreprises auprès d’un échantillon de 220 enquêtés.  Pour l’auteur il faut lier entre l’histoire de création de la PME, les modes de sa gestion et les trajectoires professionnelles des chefs d’entreprises. Ces dernières se résument en trois trajectoires selon l’origine géographique et sociale, leur appartenance et connaissances familiales et leur exercice dans le secteur commercial avant 1962, enfin d’éventuelles expériences dans l’immigration, leur fidélité et engagement dans la lutte contre le colonialisme. A base des variables socioprofessionnelles (l’expérience, l’appartenance à des groupes politiques, le niveau d’instruction, les réseaux sociaux. Etc. l’auteur a proposé un modèle de l’entrepreneur algérien des années 1970. Cette typologie contient les groupes suivants :

  • Les anciens commerçants de gros
  • Les anciens commerçants
  • Les anciens fonctionnaires (Pennef, 1982)

Au début des années 2000, Mohamed Madoui et Anne Gillet ont réalisé une recherche qualitative auprès d’un échantillon d’entrepreneurs activant dans la région de Kabylie, l’objectif de leur recherche consistait à comprendre les conditions d’émergence de l’entrepreneur algérien comme acteur économique et social. Pour se faire, les chercheurs ont déterminé ses trajectoires socioprofessionnelles, l’analyse de ses capacités d’innovation, la dynamique de croissance, ses ressources et ses difficultés.

Les auteurs ont confirmé que les activités se déroulent dans le cadre de réseaux de relations sociales et les solidarités familiales, donc le rôle de la famille est très important. Les actions entrepreneuriales sont très influencées par les valeurs sociales et religieuses. A l’intérieur de l’entreprise on assiste à l’existence de la logique (don contre don) entre l’entrepreneur et ses collaborateurs, le patron intervient beaucoup dans la vie sociale de ses salariés en leur offrant des dons (sommes d’argent en cas de besoin en contrepartie ces derniers ne doivent pas contester l’intensification du travail. Ainsi le travail est défini selon l’entrepreneur comme le respect de son autorité.

Les auteurs ont distingué l’existence de deux catégories d’entrepreneurs (les anciens ayant créé pendant les années 1960, 1970 et 1980, leur niveau d’instruction est assez faible (primaire, ayant une expérience riche et varie (les immigrés) et les nouveaux entrepreneurs qui sont apparus au début des années 1990, grâce à la politique d’encouragement et d’aide à la création d’entreprises adoptée par les autorités algériennes. Ils ont un niveau d’instruction assez élevé (baccalauréat et plus) ils sont jeunes et ayant des trajectoires au sein de l’entreprise publique.

À partir des données précédentes les deux auteurs ont classifié les entrepreneurs selon les catégories suivantes :

  • L’entrepreneur cadre
  • L’entrepreneur immigré
  • L’entrepreneur héritier
  • L’entrepreneur issu de traditions entrepreneuriales
  • L’entrepreneur travailleur (Gillet & Madoui, 2004).

2.Eléments constitutifs de la trajectoire socioprofessionnelle de l’entrepreneur :

Il existe deux méthodes d’étude et d’analyse de la trajectoire, la méthode classique qui se base sur les classes et les groupes. Elle considère l’individu comme une reproduction de sa classe d’appartenance, sachant que l’individu est toujours sous la protection et l’aide du groupe. La deuxième méthode contrarie la première en considérant l’individu comme une personne qui peut se comporter différemment de son groupe c’est quelqu’un qui donne un sens à ses comportements, ces derniers peuvent ne pas être ceux que le groupe souhaite (Vrancken & Thomsin, 2008).

En effet, l’importance de l’individu le pause à des représentations différentes de celles de son groupe d’appartenance, il peut s’en passer de la tutelle de certaines institutions et penser d’une manière différente dans ses relations avec les autres.

Selon les chercheurs, l’étude de la trajectoire des entrepreneurs nécessite la sélection des variables en fonction des besoins de la recherche et des données disponibles sur le terrain, car elles sont nombreuses. Il est à signaler qu’aucune recherche n’a précisé à priori des variables nécessaires aux trajectoires des entrepreneurs.

3.Des variables liées à l’étude des données personnelles de l’entrepreneur :

3.1. Des variables objectives : beaucoup de chercheurs qui s’intéressent à l’étude des profils entrepreneuriaux (Marchesnay et Fillion) ont confirmé la difficulté de dresser un profil type et exhaustif de l’entrepreneur. Ainsi chaque profil est réalisé selon la logique de l’action du chercheur. Toute fois ces profils restent un moyen théorique et pédagogique et permettent de recueillir des informations, de classer les entrepreneurs. Les premières recherches (Ardenti et Vrain) se sont concentrées sur la connaissance des variables objectives comme : l’âge, l’origine géographique et sociale, le parcours professionnel, la possibilité d’appartenance à des réseaux de relations, les réseaux professionnels et le capital social de l’entrepreneur (Odile, 2010).

La trajectoire professionnelle se constitue donc de la formation, de l’expérience professionnelle et sa durée (mouvements, postes de responsabilité) enfin la place de l’entrepreneur dans la vie de l’entreprise dans laquelle il a déjà travaillé et son appartenance à des réseaux sociaux.

3.2. Des variables subjectives propre à l’entrepreneur : les variables proposées dans ce modèle sont liées à la personne de l’entrepreneur (Gartner en 1989, Fillion. 2000). Le modèle de Fillion contient les caractéristiques suivantes :

  • La définition du concept de soi ; concerne le désir de réalisation, le besoin de pouvoir, le besoin de reconnaissance et d’indépendance, le contrôle de son destin et la réaction face aux dangers, le besoin de sécurité.
  • La vision ; le mode stratégique, la finalité, attitude vis-à-vis de la croissance et les profits.
  • Attitude vis-à-vis des relations avec les autres personnes et le mode de relations
  • L’engagement, la capacité d’adaptation et d’invention, renouvèlement et innovation.
  • Mode du leadership, mode de gestion, la direction dans la délégation du pouvoir, mode de prise de décision (Fillion, 2000).

De son côté Gartner a classifié les définitions du concept « entrepreneur » et a rajouté quelques notions aux caractéristiques déjà citées par les auteurs qui se résument en :

  • Profession des parents, catégorie socioprofessionnelle
  • Le capital social, la situation familiale
  • Le degré de satisfaction dans le poste antérieur et le nombre de postes antérieurs occupés
  • Le degré de persévérance et concurrence, d’appartenance aux associations
  • La capacité de l’endurance et de permanence, type de la morale dominante dans les affaires
  • Les taches préférées, la conscience professionnelle.

Jensen confirme que l’entrepreneur a trois caractéristiques principales à savoir ; le besoin de réalisation de soi, la tendance à prendre des risques et l’envie d’innovation (Jensen. Cité par Odile, B. 2010). De son côté Torres distingue entre l’entrepreneuriat corporaliste ou l’entrepreneur a tendance à préserver et défendre les avantages acquis et se rassurer des menaces.  Quant à l’entrepreneuriat libéral l’objectif de l’entrepreneur et de satisfaire un besoin, accomplissement de soi, et son instinct compétitif l’amène à chercher des opportunités pour occuper une position leader. (Torres, 2001)

Enfin selon Odile Bernard, la trajectoire socioprofessionnelle de l’entrepreneur se constitue de quatre thèmes qui sont :

-Sa formation initiale : il s’agit de son niveau d’instruction ou d’étude, ses formations professionnelles avec la possibilité de poursuivre des formations continues.

– Ses expériences professionnelles antérieures, ainsi que les expériences administratives avec précision de leur durée, la taille de l’entreprise, la nature des activités exercées il s’agit donc des compétences acquises dans les domaines (technique et administratif).

– Son capital social au sens bourdieusien et qui veut dire son appartenance à des réseaux de relations et professionnels

– Son origine sociale, qui introduit le mode d’entrer en relation avec des agents, responsables des administrations sans oublier son origine géographique. (Odile, 2010).

4.Présentation et discussion des résultats :

4.1. Caractéristiques socioprofessionnelles des enquêtés

 Il est à signaler que nous avons réalisé 30 entretiens semi-directifs avec des entrepreneurs (hommes et femmes) activant dans la région de Bejaia. Les thèmes abordés tournent autour de leur trajectoire socioprofessionnelle, leurs motivations de création, l’apport et le soutien des liens sociaux. L’analyse thématique du contenu des entretiens nous a permis d’élaborer notre typologie selon les caractéristiques proposées par les spécialistes de la thématique mais aussi selon les données de notre recherche de terrain. Ainsi il est apparu que la majorité des entreprises d’entrepreneurs interrogés ont été créées à partir des années 1990. Ces entreprises activent dans des secteurs d’activités divers (industrie, services, bâtiment travaux publics, artisanat) ce qui nous a permis de connaitre aussi les spécificités des entrepreneurs activant dans chaque secteur. Il est à signaler aussi que la quasi-totalité des femmes interrogées activent dans le secteur de l’artisanat (la couture, la coiffure), une seule dans les services il s’agit d’une école de formation.

Les formes juridiques adoptées par les entrepreneurs prouvent le caractère familial de la PME algérienne. Ainsi dans la majorité des cas, la forme (société à responsabilité limitée, SARL ou EURL) est la plus convoitée, la forme (SNC, société au nom collectif), est moins présente dans notre recherche.

L’âge de la majorité des enquêtés a dépassé la trentaine lors de la création de leur entreprise, certains parmi eux, sont à leur deuxième création. Ceci dit, l’entrepreneuriat n’a pas d’âge. C’est plutôt la disponibilité des moyens et ressources nécessaires qui peuvent inciter leurs détenteurs à la création à tout moment.

La moitié des entrepreneurs interrogés ont un niveau d’instruction universitaire, et le niveau d’instruction de l’autre moitié varie entre (terminal, secondaire, moyen et primaire). Ceci dit, l’entrepreneuriat exige un minimum de niveau d’instruction afin de lire, écrire, communiquer et négocier avec les différents partenaires et parties prenantes de l’entrepreneuriat.

L’enquête a révélé l’absence des épouses d’entrepreneurs mariés dans les effectifs de leur entreprise sauf dans deux cas, où elles occupent des postes administratifs à côté de leurs maris.

L’enquête de terrain a montré aussi que la quasi-totalité des entrepreneurs ne sont pas des héritiers d’entreprises, seulement deux ont hérité l’entreprise du père. Toute fois certains entrepreneurs ont déjà appris et travaillé au sein de l’entreprise familiale et cette dernière peut être celle du frère, de l’oncle ou de l’oncle maternel. On les a considérés dans notre recherche donc comme des héritiers de métier car ils ont créé leur entreprise dans la même activité de l’entreprise familiale.

Il est apparu aussi que le secteur public, l’entreprise étrangère et la PME privée sont un espace d’acquisition d’expériences professionnelles. En effet beaucoup d’entrepreneurs enquêtés ont affirmé qu’ils ont déjà travaillé dans ces secteurs avant la création de leur propre entreprise. Ces expériences étaient très riches et leurs ont donné l’idée de se lancer dans l’entrepreneuriat.

Les professions des parents avaient un rôle modeste dans la reproduction d’une nouvelle génération appartenant à la même activité (deux cas ont créé dans la même activité du père). Toute fois l’enquête a révélé que les pères des entrepreneurs ont joué un rôle capital lors du processus de création d’entreprises de leurs enfants. Beaucoup de parents qui étaient des commerçants, cadres dans la fonction publique ont facilité beaucoup de choses à leurs enfants en les mettant en relation avec les administrations concernées par la création ou avec les commerçants ou les fournisseurs des marchandises et les matières premières.

L’expérience professionnelle des entrepreneurs interrogés est moyenne car vingt (20) d’entre eux ont une expérience qui ne dépasse pas neuf (9) années, mais certains l’ont considéré de très riche car elle leur a permis d’exercer dans plusieurs et divers postes, ce qui leur a permis aussi d’acquérir des connaissances techniques et managériales importantes. Les entrepreneurs affirment ensuite avoir réalisé beaucoup de tâches au sein de leur propre entreprise. Ceux qu’ont acquis des expériences au sein des entreprises et institutions publiques affirment aussi avoir fait appel à leur capital relationnel lors de la création pour débloquer certaines situations auprès des services administratifs (banques, assurances, dispositifs d’aide à la création d’entreprises).

4.2. Typologie des entrepreneurs

A base des résultats précédents liés aux caractéristiques socioprofessionnelles des entrepreneurs interrogés, on a pu établir notre typologie qui se présente comme suit :

4.2.1 -les entrepreneurs héritiers : ils sont en nombre de huit (8), dont (03) trois sont des femmes. Deux ont hérité l’entreprise familiale (de leur père). Comme on l’a déjà signalé, l’héritage peut concerner aussi le métier. A cet effet, six (6) entrepreneurs ont appris le métier au sein de l’entreprise familiale c’est-à-dire ont déjà travaillé au sein de l’entreprise de leur l’oncle, de l’oncle maternel, de leur cousin ou du frangin ou même celle du père ; comme l’a confirmé l’un des enquêtés : « mon père est entrepreneur depuis 1965 jusqu’à aujourd’hui et il est propriétaire d’une imprimerie et vu l’importance de cette activité qu’est aussi une activité d’avenir, j’ai laissé mon domaine de formation qu’est l’architecture urbaine et j’ai intégré l’activité familiale dans le but de l’améliorer. Après une expérience dans plusieurs postes de travail au sein de l’entreprise parentale, j’ai décidé de créer ma propre imprimerie tout en ajoutant ma touche personnelle concernant le produit (l’étiquetage) et dans la manière de gérer l’imprimerie ». Propriétaire d’une imprimerie créée en 2007.

On comprend que les héritiers peuvent ne pas être d’accord avec leurs pères, sur la manière de gérer les affaires de l’entreprise. En effet cette catégorie est jeune et l’âge des entrepreneurs ne dépasse pas 40 ans ayant un niveau d’instruction très élevé (universitaire chez la majorité d’entre eux) ils veulent innover l’entreprise familiale en essayant d’introduire de nouveaux concepts à l’entreprise comme : l’objectivité dans les différentes sélections, la compétence etc. des conflits entre (père et fils ) existent souvent et ils concernent souvent la gestion de l’entreprise comme la manière de recruter le personnel, les investissements, etc. Car le fils s’oppose au caractère social de la gestion du père qui est influencée par la culture sociale (Madoui, 2008).

4.2.2. Les entrepreneurs issus du secteur public : cette catégorie contient des cadres, des travailleurs, un médecin, des techniciens supérieurs, ils sont en nombre de six (6), ils ont travaillé dans le secteur public pendant de longues années. Pour des raisons diverses (économiques, sociales ou personnelles) ils ont décidé de se lancer dans l’entrepreneuriat. Ils sont d’un âge avancé (45 ans et plus), beaucoup d’entre eux ont investi dans la même activité (déjà exercé en tant que salarié). A cet effet, ils ont affirmé que leurs expériences antérieures les ont beaucoup aidés à prendre en charge la gestion quotidienne des affaires internes de leur entreprise comme : la réalisation des taches, la comptabilité. Il s’agit aussi de régler les affaires administratives) auprès des services publics concernés par la création. Actuellement il s’agit aussi de la régulation des dossiers, l’obtention de l’information sur les appels d’offres, l’obtention des projets etc. car ils gardent toujours de bonnes relations avec leurs anciens collègues qui activent toujours dans le secteur public. Donc cette catégorie d’entrepreneurs possède un capital relationnel inestimable auquel ils font appel en cas de besoin pour régler les affaires externes de leur entreprise. Leur objectif principal de la création d’entreprise consiste chez la majorité d’entre eux, en leur désir d’être indépendants, et la réalisation de soi. En effet, leur carrière salariale ne leur a pas permis de s’imposer et montrer leurs capacités : « quand j’étais salarié dans une entreprise publique je n’ai pas pu réaliser et concrétiser mes idées, avec le temps le travail était devenu très routinier et moi je suis du genre qui veut évoluer et aller de l’avant. Pour cette raison que j’ai créé cette entreprise dans le secteur du BTP qui propose des appartements de haut standing dans la région de Bejaia. » propriétaire d’entreprise en BTP créée en 1964, puis réactivée en en 1995.

4.2.3. Les entrepreneurs chômeurs : cette catégorie contient quatre entrepreneurs (04) et on peut les considérer comme des autodidactes car ils n’avaient aucune expérience professionnelle avant la création et la formation initiale ou scolaire (diplômes) de certains n’avait aucune relation avec l’activité investie. Ils étaient en situation de chômage, la majorité d’entre eux ont saisi les dispositifs d’aide à la création d’entreprises mis à la disposition des chômeurs par les autorités algériennes afin d’absorber le chômage. Ils affirment qu’avant la création, et pour avoir les informations et connaissances nécessaires sur l’activité investie, les entrepreneurs se sont beaucoup documentés (lectures, internet) et certains ont poursuivi des formations accélérées dans le domaine de l’activité investie. Ils exercent des activités artisanales (la couture) ou dans les services (réparation des matériaux frigorifiques) ou dans le BTP. Ils sont jeunes (leurs âges ne dépassent pas la quarantaine) avec un niveau d’instruction très modeste (primaire ou moyen).

Ce type d’entrepreneurs issus des moments de crises économiques et qu’ont saisi les dispositifs d’aide à la création d’entreprises s’appellent aussi des entrepreneurs de proximité car ils créent des très petites entreprises (TPE) et beaucoup d’entre eux n’expriment pas le désir d’élargir leur activité (Bouyssy, 2010, p. 10).

4.2.4. Les entrepreneurs immigrés : leur nombre est de trois (3), deux d’entre eux étaient à l’étranger après une longue expérience dans leur domaine d’activité. Ils sont d’un âge avancé 55 ans et plus, et ont un niveau d’instruction très modeste (primaire ou secondaire). Ils ont décidé de rentrer en Algérie pour s’installer définitivement, et leur objectif principal consiste aussi à transmettre leurs expériences aux personnels de leur entreprise. Le troisième n’a jamais travaillé dans une entreprise publique ou privée, il avait une longue expérience dans une entreprise étrangère ici en Algérie, il a occupé plusieurs postes qui lui a permis d’acquérir des connaissances pratiques et managériales dans le domaine du Bâtiment Travaux Public. Après les encouragements de ses amis de travail, il a décidé de créer sa propre entreprise dans le domaine du BTP et son objectif principal est de transmettre ses expériences à ses enfants et ses travailleurs. En effet, tous les entrepreneurs de cette catégorie expriment le désir d’introduire des changements profonds au sein de leurs entreprises et de moderniser les secteurs dans lesquels ils activent.

4.2.5. Les entrepreneurs issus du secteur privé : leur nombre est de neuf (9) et quatre d’entre eux sont des femmes. Leurs âges varient entre (28 et 40 ans), leurs niveaux d’instruction varient entre (secondaire et universitaire). Les membres de cette catégorie ont une expérience moyenne entre (01 – 07) années d’exercice dans le secteur privé. Certains ont exercé dans plusieurs entreprises avant la création, beaucoup d’entre eux aussi ont occupé plusieurs postes de travail (même de responsabilité). Pour cette raison qu’ils considèrent leurs expériences antérieures de très riches puis ils ont décidé de créer leur propre entreprise dans la même activité déjà exercée car ils ont jugé qu’ils avaient la capacité de créer leur propre entreprise et de la prendre en charge de la même façon que leurs anciens patrons le font. L’une des interrogée a confirmé : « après l’obtention de mon diplôme universitaire, j’ai enseigné dans une école privée pendant deux ans. J’ai vu comment le directeur enseigne et gère son école, je me suis dit je peux travailler comme lui, je crois que j’ai toutes les qualifications requises pour ça. Bien qu’avant j’étais très timide et j’ai toujours eu peur de ce genre de responsabilité mais cette expérience m’a donné confiance et le courage de me lancer dans ce métier ». Directrice d’une école de formation, créé en 2015. Donc le secteur privé est une école de formation par excellence de futurs entrepreneurs, car il donne la confiance et l’idée à ses salariés de se lancer dans des projets individuels, d’ailleurs on trouve les entrepreneurs de cette catégorie dans des activités diverse comme (les services, l’artisanat, l’industrie). Beaucoup d’entre eux ont créé pour des raisons économiques, c’est-à-dire améliorer leur situation socioéconomique, car ils sont jeunes et ils cherchent grâce aux profits qu’ils gagnent à construire leur avenir.

Conclusion :

L’enquête de terrain qu’on réalisée nous a permis de classifier les entrepreneurs selon cinq catégories en fonction des caractéristiques professionnelles et sociales, il est apparu que ces entrepreneurs activent dans un environnement plus ou moins hostile, les durées de création sont assez longues, beaucoup d’obstacles (bureaucratie et lenteur de l’administration) ont été soulevés. Ce qui a nécessité l’intervention des amis et proches des entrepreneurs pour débloquer les situations. Les membres de la famille sont très présents dans l’activité entrepreneuriale car ils ont contribué dans le financement des projets, intervenu auprès des services concernés par la création, ils ont mis à la disposition des porteurs de projets leurs biens matériels comme leurs locaux, leurs véhicules, les matières premières etc. ainsi nous pouvons dire que sans l’intervention de ces proches la majorité des entrepreneurs étudies n’auraient jamais pu concrétiser leur projet.

Il est apparu aussi que les trajectoires antérieures étaient d’une importance capitale sur le déclenchement du processus de création d’entreprise chez la quasi-totalité les entrepreneurs interrogés. Ils affirment que leurs expériences leur ont permis de réaliser beaucoup d’activités au sein de leur entreprise (financières, administratives et techniques). Ainsi et grâce à l’entrepreneuriat ils ont trouvé la liberté d’exercer les taches et l’autonomie d’action et surtout d’échapper à un travail régulé et plein de directives.

Notre recherche a révélé aussi l’existence d’une nouvelle trajectoire qui n’a pas été citée dans les études antérieures qu’est le secteur privé. En effet, ceux qu’ont déjà exercé dans ce secteur affirment que leur expérience est très riche en termes de connaissances et de compétences et elle leur donne surtout la confiance de se lancer dans l’entrepreneuriat, ainsi on peut considérer l’entreprise privée comme une véritable école de formation de futurs entrepreneurs.

Enfin et sur le plan scientifique, la trajectoire socioprofessionnelle peut être abordée dans le cadre d’un concept sociologique plus large, qu’est l’identité entrepreneuriale. Ce dernier suppose l’existence d’un passé professionnelle pour comprendre les actions actuelles et futures des acteurs en organisation.

Bibliographie :

Bourideu, P. (2006). Sociologie de l’Algérie, Paris : édition P.U.F.

Bouyssy, K. (2010). Les entrepreneurs en solo. Différentes logiques de création, Revue de l’entrepreneuriat, 9 (1), 04 – 28.

Filion, L-J. (2000). Typologie des entrepreneurs, est-ce vraiment utile ? Cahier de recherche, 14, 130 – 172.

Gillet, A., & Madoui, M. (2004). Les entrepreneurs algériens : un groupe hétérogène entre logique familiale et logique économique, Cahiers du Griot, 125 – 140.

Madoui, M. (2008). Les nouvelles figures de l’entrepreneuriat en Algérie. Un essai de typologie, Cahiers de CREAD, 24 (86), 45-58.

Odile, B. (2010). Système de contrôle et de gestion et trajectoire du propriétaire-dirigeant de petite entreprise : le secteur de l’agencement d’intérieur dans le grand – EST, Thèse de doctorat. Université Paris-EST. Marne la Valle. Es. Sciences de gestion.

Pennef, J. (1982). Carrières et trajectoires sociales des patrons algériens, Actes de la recherche en sciences sociales, 41 (1), 61-72.

Torres, O. (2001). Les divers types d’entrepreneuriat et de PME dans le monde, Revue management international ; 6 (1), 1 – 15.

Vrankhen, D. & Thmsin, L. (2008). Le social à l’épreuve des parcours de vie, Revue Louvain la Neuve Academia Bruylant, 7, 153 – 164.

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