Research studies

L’art hawfique, une archè musicale vocale, tlemcénienne pérenne ou en déclin

 

Prepared by the researcher  – Rachida Kalfat Dr en Anthropologie philosophique, Ethnomusicologue  spécialiste en langues anciennes , phénicien, araméen, hébreu, persan – Université Abu Bakr Belkaid Tlemcen-Algérie

Democratic Arab Center

Journal of cultural linguistic and artistic studies : Eighteenth Issue – April 2021

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Le hawfi, الحوفي une musique vocale ancestrale s’interroge aujourd’hui sur sa pérennité ou son déclin, lorsque l’art de bâtir ne peut plus aujourd’hui répondre au concept du  « dire » philosophique  accouplé au concept du « penser »  architectural. Qu’est-ce à dire ?

Comment cette interrogation nous a t-elle poussé à réfléchir sur l’historique, les origines, les évocations multiples de cet art vocal et nous étonner  de son projet dans la culture musicale tlemcénienne?

L’empirie aidant, nous avons tenté de pousser délicatement les cordelettes de  l’escarpolette

‫(جغليلة  joghlila), raccordées aux branches du  grenadier (al roma’na الرمانة), du citronnier, (al li’ma الليمة) face à cet espace d’eau (al sarij السريج), le puits (al bi’r البئر) et le jet d’eau (al khassa الخصّة ) au milieu du   patio (wast al dar وسط الدار ). Ce dernier est un lieu idéal, un lieu  liturgique pour nos chants hawfiques enseignés par les voix de  nos mères, transmis par nos tantes et protégés, gardés  par nos grands mères !

Tout y est dans ce début d’introduction à  travers une arché qui révèle une rationalité scientifique et une intuition esthétique. L’architecture et la philosophie s’y prêtent  lorsque que  le paralangage témoigne :

– d’une présence humaine : celle des femmes.

– d’une appartenance à un objet : l’escarpolette.

– d’un  végétal: l’arbre, le citronnier, le grenadier.

– d’une appartenance à la symbolique de l’eau :  le jet d’eau, le puits, le bassin.

– d’une appartenance à l’espace : le patio.

Notre interrogation se poursuit. Comment le patio, ce  lieu anthropologique et ses éléments  qui déterminent l’essence du  hawfi (escarpolette, eau, végétal, patio) constituent-ils son architecture musicale ? (1)

Pour ce faire, la philosophie linguistique et l’archéologie des mots furent un éclairage à certaines de nos difficultés et un moyen, pour procéder à un transfert du sens du hawfi. Il est clair que le passage d’un langage d’images (l’arbre, l’escarpolette, le puits ) à un langage des  mots  à travers la philologie, nous a permis de structurer notre pensée et de constater que  le hawfi est un art qui a choisi de se focaliser en projet jusqu’à en faire un transfert adhésif comme s’il était une partie intégrante de l’organe vocal: La Voix.

Notre problématique est de nous interroger sur le vocal qui relève de l’oralité. Sa spécificité est d’expulser des mots pour  composer la partition hawfique (2) qui  n’est pas une musique transcrite sécurisée. Ses matériaux et ses éléments constitutifs architecturaux de l’espace hawfi  ont disparu et ont échappé  par désir mimétique occidental, par  excès de surmodernité et par désidentification au patrimoine architectural tlemcénien du bâti.

Afin de tenter quelques éléments de réponse à nos interrogations, nous aborderons quelques points pour définir ce mode vocal à travers sa définition, ses origines, sa portée philosophique et ses approches philologiques chères à la philosophie linguistique qui de par son approche aux valeurs existentielles,humaines et morales l’a inscrit dans un projet pédagogique dans l ‘éducation des jeunes filles. Qu’en est t-il aujourd’hui ?

Al hawfi, dans son acception philologique

« Aux mortels la chose la plus agréable est le chant » que nous formule  Musée,  poète légendaire du XVIème siècle. Le philologique, pour notre démarche étymologique, proche des langues dites anciennes summéro-shamito-phénico-arabe, loin de toute origine grecque, nous enseigne qu’il est un composé de « phél » et de « logho» (3) pour comprendre le mystére des langues  et accéder à l’architecture du sens du nom de hawfi, un art qui anime ses lieux d’existence.

En effet, « hawf »,الحوف،masdar du verbe  « hawafa حوّف»  signifie littéralement  en langue phénico-shamito-arabe التطهير « purifier, offrir un sacrifice pour le péché commis, dédommager. On le retrouve en araméen et en hébreu sous sa forme « haphé’הפה » au singulier et  « hapho’t הפות‫,  » au pluriel pour signifier «  la purification , toujours dans ce sens de «  se purifier de nos fautes. »

En évitant toute démarche cognitive et métacognitive, nous nous sommes « dépoussiérés » de certaines de ses définitions pour plaire à ce sens d’expiation des fautes. Comment donc de par ses étymologiesne pas inscrire  notre musique  vocale  dans  le registre linguistique religieux ? En tant qu’acte purificatoire, le  hawfi حوفي, ne peut être que  d’essence religieuse de ce point de vue. Il   touche à l’Humain et nous confirme que  le chant avant tout c’est l’Homme.

C ‘est la raison pour laquelle al tahwifa  التحويفة ou l’art de chanter le hawfi حوفي nous  renseigne sur notre propre humanité et nous révèle  que  notre première musique  c’est  La  Voix Humaine.

 Pour le musicologue, « Au commencement de toute musique est l’audible » (Matthieu Guillot. 2006. p.9).

Ecouter la voix, c’est aussi écouter  le son qui émerge de la voix. Pour le philosophe, la voix convoque et incite à une réflexion au niveau de la dimension sonore; d’où cette  formulation  « l’homme  est un tuyau sonore et un roseau parlant ». (Bachelard Gaston. 1943. p.272).

Pour le musicien Mathieu Guillot dialogue  avec l’audible et nous fait savoir que: « Sous la voix émerge l’homme, transparaissent joie, drames et souffrances. En elle, se concentrent et par elle se diffusent l’ensemble complexe des émotions, des passions et des états de l’âme, dont elle est la fidèle révélatrice. » (Matthieu Guillot. 2006. pp.88-89).

Pour l’architecte la voix, c’est l’écho de sa conception.

Pour la langue araméenne, la voix se dit « qawl » pour signifier le « dire ». Il est clair que parmi les nombreuses approches qui nous interpellent nous retiendrons pour notre  étude l’approche linguistique, celle  du « dire ». La voix est ce  « qawl » qui rappelons-le, en tant que matériau sonore, la voix c’est le « dire »  en chantant et elle  crée dans l ‘être  ce  « sprechstimm » ou cette« stimmung» qui pénétre l’âme par le dire. « Dire et chanter était autrefois la même chose disait Strabon » Strabon.Géographie I, (2 et 6). (Muller. F. Sabre. 2013.p.13).

– al hawfi , dans sa dimension vocalique

La voix du hawfi reste authentiquement tlemcénienne. Même si les références civilisationnelles se compilent; il reste que la forme constitue pour  les tlemcéniens une  spécificité qui répond  à ce rythme et qui provoque une élévation du langage quotidien vers un langage poétique. La voix reste dominante et la vocalité par sa mystérité  dans le rituel  tlémcénien offre à l’ouïe cette mesure concise qui est en harmonie avec la concision du verbe, de l’action, du mouvement dans son environnement. Ainsi l’art des sons  nous fait savoir que  la mystérité de la nature de la voix ne réside pas uniquement dans les organes vocaux qui la produisent mais elle révèle l’être. Cette approche philosophique  fait de la voix une puissance d’ouverture exceptionnelle.

« ….Et cette voix simple s’ouvrant sur les mystères… ». (Wahl Jean, 1945.p69).

Comment ? Comme l’entend Wahl, poète et philosophe de l’existence .

 La voix crée des sons qui se prolongent dans l’être et font apparaître toutes  nos émotions ; elles préparent à des vibrations vocales qui sont comme dirait Maldiney  « une âme à nu parce que «la voix expulse des sons avant toute parole ».(5) (Maldiney  Henri,1993, p.72).

La voix humaine est l’origine même de  la plus  ancienne et la plus sacrée de cet art du «  chant plein d’humanité »  et  d’un « plaint chant» qui le porte. Al Tahwifa a instruit le patrimoine vocal féminin  tlemcénien jusqu’à inspirer les femmes dans des orientations multiples  sans que la voix et le chant ne s’affirment étrangers à n’importe quelle tahwifa.  De ce fait, elle permet d’inscrire dans une compatibilité naturelle et en relation avec celui qui écoute, une capacité d’écoute toujours nouvellement transmise à l’oreille. Une oreille qui  parle plus qu’elle n’écoute et c’est au visuel  d’écouter. Un sens de l’essence  qui transcende  les sens, une manière de définir le hawfi comme une voix transcendantale.

Ainsi le texte chanté, donne de la voix, et on entend les timbres de la voix des femmes  et leurs tremblements, les modulations et leurs gammes avec une intonation particulière de même nature que celle de la parole mais de culture différente.  Quand la voix s’élève et s’infléchit, elle module sur les différents degrés de l’échelle diatonique accessibles au registre de celle qui chante.

C’est en procédant à l’analyse de ces sons  que nous avons remarqué que les sons possédaient des affinités avec la dialectique au point que la partition vocale constitue un espace d’immersion dans la pensée musicienne et dans la pensée dialecticienne. Le constat est que la voix dépasse la dimension charnelle.  Elle retentit à travers son écho jusqu’à la sensibilisation  de nos sens et annonce une texture de l’ethos (ce qui se rapproche d’ l’âme et de la spiritualité.) Et, la présence de la voix devient ainsi musicalité, spiritualité et religiosité.

C’est pour cela que notre réflexion s’est orientée vers la musique vocale du  chant hawfi et  nous engage à toucher l’imperceptible. La voix est l’Essence de sa vitalité; elle nous rappelle que l’histoire et la culture tlemcéniennes commencent avec le chant. Cette essence est une marque du  sceau musical vocal tlemcennien. Il  est cette voix  qui obéit à la voix universelle qui chante le lyrique construit sur une efflorescence d’images et de cordes vocales  pour exprimer la passion amoureuse, les cris de la colère, la tristesse, la joie la nostalgie, les augures  guerrières, le ghazal (chants d’amour), les élégies, les panégyriques, les satires, les sentences morales,  en un mot tout ce qui touche à l’humain. (6)

  • L’exigence d’une méthode dialectique entre  Vocalité et  Poéticité 

Au niveau de la langue

La considération dialectique semble se construire à partir de   cette réflexion de Djalal al din al Rumi,  dans son analyse philosophique que toute activité  poétique commence à partir de la Voix.

Quelques siécles plus tard  Rousseau formule cette idée d’une langue primitive  chantante et passionnée (7); cette langue originelle n’a d’existence que « philosophique ».Tous deux se rejoignent de façon immanente dans la dialectique qui se joue entre le vocalique et le poétique. En effet, jadis, la langue primitive  moins cartésienne était plus poétisée. D’où, de constater  que : « qui dit voix, dit poésie ! ».  Une dialectique qui les rend indissociables et presque identiques et rend possible l’identification du  devenir du hawfi. Ainsi le contact de la  voix des femmes  est un contact poétique  et leur poétique est la maison-miroir de la voix. Plus qu’une dialectique, il est question aussi d’une unité de pensée et de vocalisé,  lorsque l’on sait que la société tlemcénienne s’exprime par la bouche de la femme tlemcénienne et se rapproche de cet adage que «  le langage trahit l’homme car le social et l’individuel sont totalement confondus. »

D’où notre discours d’insister sur l’un des aspects   du hawfi,. Il est   dans son analyse immanente et traditionnelle qu’il constitue une dialectique entre   un modèle, celui d’un  lien naturel entre la langue des mots et celui  des sons jamais rompu; ce constat lui permet d’instaurer une profonde unité du son et de la parole et à tel point que celle qui chante le hawfi  peut être aussi celle qui compose la langue hawfi. Saisir en son fond sa langue urbaine, citadine, héritée des vieilles traditions, définit son identité culturelle mais s’institue entre formalisme et subjectivité. L’esprit tlemcénien consiste dans son aventure de la subjectivité à devoir intrinsèquement lier sa langue à une langue  fine, élégante, fortement policée, qui d’une part  dénote un raffinement affirmé et d’autre part une activité langagière qui  unit le groupe, et le rend défenseur de l’art de bien chanter le hawfi. Ce chant parlé symbole de la langue de l’enracinement opère  comme un agent unificateur de tous les tlemcéniens telle une LOI.

Loi coercitive qui implique un certain repère,  qui structure les filles et les jeunes filles et les contraint à entrer dans un ordre symbolique. Cet ordre n’est autre que cette interaction entre le vocal et le poétique qui apparait et crée des interactions dialectiques. Cette réflexion semble nous questionner sur la place sacrée du verbe et sa nécessité de créer un espace architectural vocal annoncé  dans notre introduction. Cet espace plait réellement à  l’art du hawfi  car il est aussi la voix fécondatrice de la parole pour le divin.

Ainsi la puissance de la dialectique,  nous amène  à comprendre  que tous les moyens ne correspondent à aucun des procédés pour imaginer l’interdépendance et la compénétration de la vocalité et de la poéticité sauf celui-ci : on ne peut imaginer al hawfi que par une seule manière, la seule et l’unique , c’est celle de le chanter.

Tout comme le poète, il n’imagine pas un beau vers, il  fabrique le vers. Et c’est la voix  qui va nous  fabriquer le chant hawfi, par une poétique  à travers ce que les poètes appellent : « Sina3a’t al shi3r  صناعة الشعر‫- ».

Cette approche dénote un sens; celui de nous signifier que notre  musique vocale ne  peut se  délier du  langage poétique et de tout ce qu’elle représente en tant que symbole d’un rituel vocal  féminin qui exprime avec exaltation  l’amour de Dieu qui porte le nom de hawfi . Le support est riche et il apparaît dans des vers mesurés adaptés aux thématiques du patrimoine poétique hawfi.(8)

– Au niveau de la modulation vocale et  des effets de  rhétorique du texte chanté.

 Jadis, le discours se prêtait à la compréhension par des figures de rhétoriques tel que les antithèses et les métaphores. Rousseau nous renseigne  à ce sujet sur l’éloquence de la poésie et des voix que « Les premières histoires, les premières  harangues, les premières lois furent en vers. La poésie fut trouvée avant la prose, cela devait être, puisque les passions  parlèrent avant la raison. » Rousseau Jean Jacques. Essai sur l’origine des langues .

Laisser l’imaginaire chanter  la tahwifa c’est laisser le   distique  par rapport à la vocalité c’est  comprendre la puissance de la forme poétisée  de la voix et du  chant clair qui nous étonnent. Distique  d’inspiration poétique, possédé par la foi en Dieu, al hawfi  devient le porte parole du divin. Une démarche pour rendre intelligible un fond de Soi lié à la foi par une forme  poétisée.

Et c’est ainsi que notre analyse nous a permis de dire qu’al Hawfi révèle deux architectures celle  du :  vocal et celle de la transcendentalité qui  nous fait dire qu’il est un chant étrange et pénétrant.

Dans son architecture vocale, il  est une mélopée. Pourquoi ? Parce qu’il est dans le récit.(9) Bien plus, Il fabrique le récit et il revient avec des tours flottants de ritournelles parfois tel un rondeau, symbole de la circularité du cosmos.

     -S’il semble monotone et angoissant, c’est par une de ses particularités très fortes d’être très câlin avec une sorte de profonde tendresse, de bercement et de peine dans la voix et dans la parole. Tout cela transparait dans sa voix féminine  assimilée par l’imaginaire collectif  à sa beauté physique sa douceur d’épouse et de mère,  qui concilie en cas de conflits .

     -S’il est monodique c’est par sa spécificité de  se chanter à une seule voix et qu’il peut être assimilé au Plain-chant, un genre musical sacré de la musique occidentale

S’il est  modal, c’est que  chacune de ses partitions s’inscrit dans un cadre modal (ou mode) fixe, et suit une rythmique verbale, c’est-à-dire sans division ni mesure.

S’il est sans modulation harmonique c’est par  sa pureté virginale de la vocalité qui ne  subit aucune altération.

-S’il est ce style musical ancestral  de la voix humaine répandu dans d’autres espaces, il n’est  pas propre aux codes tlemcéniens. Il est  également très présents  dans les cantillations et les pièces de rites hébreux, et  bouddhistes et hindouistes, le sama3 Véda et le chant Maithili . (10)

Ce qui nous pousse à poser de nouvelles interrogations suite aux classifications de la vocalité et sa relation avec le poétique. Tout comme tenter de  classer le hawfi dans le genre épopée ? Certes,  l’histoire d’une  épopée est d’illustrer parfaitement la volonté originelle, celle d’immortaliser des récits oraux. Elle revêt un symbolisme très important, présentant peut-être une épopée de tout un chacun, à portée plus universelle que locale ou  nationale, sous-tendue par une volonté didactique, celle de montrer que l’homme peut puiser en soi une énergie surhumaine, tout en se devant de prendre conscience de ses limites.

     Au niveau du projet pédagogique et  philosophique

La composition de nos  poésies « mysticisées » (11)  nous invite à réfléchir pour approcher  al hawfi   dans son universalisme, et  nous   révèle que les  femmes tlemcéniennes se livrent à nous transmettre une expérience authentique qui concerne l’humain  dans son universalité, préexistant déjà aux premières  manifestations civilisationnelles. (12).

 Notre étude s’appuiera autour  des  thématiques contenues dans le chant hawfi  d’où sa spécificité  d’être exclusivement féminin pour l’éducation de la jeune fille et d’être un projet pédagogique de taille.

Un procédé qui est celui de la philosophie de la vie afin d’apprendre aux jeunes filles futures épouses comment se comporter avec la belle mère. Qu’il n’y a pas lieu de se comporter différemment avec  la mère de l’époux et bien au contraire la considérer comme sa propre mère.

Les exemples sont très nombreux. Il s’agit là d’une courte illustration de ce projet philosophique et pédagogique qui enseigne aux jeunes filles l’art de vivre dans la  micro cellule familiale  pour bien vivre  dans la société.

A cela s’ajoute l’effet sonore des récits chantés à travers les  qualités vocales de la femme tlemcénienne car elles sont aussi un indice de sa personnalité mesurée, pondérée, réservée, toute entière, semblable à son intonation, un aspect de sa dynamique vocale  qui assure à son langage un style, un vocabulaire la dissociant difficilement du social et de l’individuel et ce n’est pas pour rien qu’elle a cette exclusivité permanente du hawfi  et le gage de sa responsabilité pour le protéger et le pérenniser! Le parler tlemcénien n’est-il pas  son et sens tout comme le poétique.  Il est une parole, chantée, métaphorisée et philosophique et répond aux normes de la cité, de sa sagesse et  de son intelligence.

Cet aspect est une caractéristique profonde que l’on repère  à travers toutes les femmes qui expriment leur foi en harmonie avec les sons et les sens comme un don divin qui exprime le  Beau et l’Oermestia, indispensable pour l’harmonie des âmes. Ce n’est pas donné à toutes les femmes de chanter le hawfi car il  convoque la perfection et l’excellence. En d’autres termes, la poésie chantée dans le hawfi, est un art. Un art qui construit, et qui compose la pensée par le biais de l’inspiration divine.

L’art hawfique  éduque et instruit.(13) Il transparait aisément dans l’éducation des jeunes filles pour les responsabiliser en tant que déesse –mére et rabatu al bayt  à travers son  répertoire riche en thématique  de la poésie hawfie. (14). Celui de l’éducation religieuse pour le rituel des ablutions  et de la prière, ,du voisinage, de tout ce qui constitue la vie en société.

Ces récits  chantés d’une grande pédagogie répondent aux  qualités vocales de la femme tlemcénienne.. Femme passionnante, elle est  un indice de sa personnalité mesurée, pondérée, réservée, toute entière, semblable à son intonation. Elle est  un aspect de sa dynamique vocale  qui assure à son langage un style, un vocabulaire la dissociant difficilement du social et de l’individuel et ce n’est pas pour rien qu’elle a cette exclusivité permanente pour transmettre l’art du hawfi  et le gage de sa responsabilité pour le protéger et le pérenniser! De plus, le parler tlemcénien n’est-il pas  son et sens tout comme le poétique, parole, chantée, métaphorisée et philosophique et répond aux normes de la cité et de sa sagesse et  de son intelligence ?(15)

Ainsi afin  de nous éloigner de toute subjectivité , l’objectivité étant nécessaire pour  aborder l’aspect pragmatique, j’insiste à dire que le cherchant que je suis est encore au début de ses interrogations  et la subjectivité ne peut qu’atrophier la recherche de la Vérité. D’où, l’importance de rappeler que la musique vocale tlemcénienne répond  à une archéologie de ses rites antiques et semble s’inscrire d’elle-même  dans la vie des femmes, mais elle  n’est pas née aujourd’hui ou hier , elle  date de la plus haute antiquité. Elle s’appelle « Hawfi » à Tlemcen , « ghina’ al sawt » à Khenshla, ou  Tamasheq, pour les Touaregs qui est  aussi une langue parlée et chantée par les femmes. Ailleurs ce chant  vocal se dit  Aiora  ou le chant de l’escarpolette ce qui constitue une coalescence avec  le chant de la Joghlila

-Le hawfique, une relation dialogique avec  ses éléments archéologiques.

* L’escarpolette « jorghlila »

 En effet  de tous éléments constitutifs de l’art hawfique, l’escarpolette  fut l ‘élément principiel  au cœur  de nos questionnements. Comme approcher sa fonction au milieu du patio et comment lier sa présence à l’archéologie de la tahwifa . Il est clair  qu’on ne peut délier l’escarpolette du langage symbolique et mythologique. En s’accaparant du vieux mythe de l’escarpolette, ses nombreux spécialistes ne s’accordent pas sur une définition qui fasse consensus (16). Certains y voient un symbole de l’alternance du va et vient, identifié au rythme respiratoire, par des mouvements célestes, ceux du temps et ceux des cycles, annonçant le renouveau. D’autres perçoivent le mythe de l’escarpolette autrement, comme  celui de peser les talents et les vertus, de faire  naître le vent, d’unir   la femme qui se balance à l’arbre qui la soutient. Tous  semblent exprimer les symboles de la vie.

Ces différents niveaux de significations nous ont orienté vers la  philosophie antique qui  nous a permis de  donner à l’escarpolette  un  langage sacré de Dieu. Comment ?

« Fiqh al lugha »  est une philologie  au service de la philosophie et nous apprend que le mot  « escarpolette »  se dit « joghlila » dans le parler tlemcénien, considéré par notre étude comme un héritage linguistique du « ta phinight » la langue  phénicienne qui n’est autre que la langue punique . Or la lettre ghayn  n’existant pas dans l’alphabet phénicien , il est substitué à la lettre qaf qui se prononce ghayn .Cette  tradition phonétique que l’on retrouve dans d’autres langues antiques  comme celle du persan a donné « Joghlila » au lieu de Joqlila. (17)

Ainsi cet apport linguistique nécessaire à la signification de l’escarpolette tire profit de son origine phénicienne, ancêtre de la langue algérienne sera plus adaptée au sens profond du wahfi .

Et c’est ainsi , le cherchant que nous sommes en phénicien,  hébreu  et  amazighien, propose de retrouver le sens de jaqala dans sa phonétique jaghala  et qui signifie « décoller  du bas pour aller   vers le haut «  .

Cela donc implique par le va et vient  ce mouvement de balancement (d’où la balançoire dite  aussi escarpolette).

Puis voyager  en langues anciennes, nous a permis de savoir que l’escarpolette en grec se disait l’ « aiora » . L’étymologie grecque nous apprend que l’aiora , ou l’escarpolette est l’objet qui sert à expier nos fautes et à nous de conclure que  le sens de aiora est identique au sens de hawfi comme développé supra, aboutir au cathartique (tathi’r al nafs).

 D’où cette indissociabilité du  hawfi de l’escarpolette par ce phénomène de catharsis pour se débarrasser de ses fautes.

Or, ce qui étonne c’est que le sens de hawfi se retrouve dans le sens grec de l’« aiora » la balançoire avec le sens  d’expiation des fautes ? L’homme est faible et commet des fautes et le repentir auprès des dieux est nécessaire pour  se faire pardonner. Quoi de mieux pour l’humain que d’expier ses fautes.

Cependant , une question nous trouble .Pourquoi exclusivement les  femmes.? Seules  les femmes fautent et pourquoi les hommes en  sont -ils exclus de l’escarpolette et des expiations. (18)

Pour ce faire, un retour aux fêtes antiques  nous rappelle une fête athénienne , la fête de l’Aiora dont le symbolisme de la balançoire  et l’origine de la philosophie du balancement  sont  fortement développés par  Jean Hani (19).La philosophie linguistique considére l’aiora, non seulement dans son sens grec pour signifier la balançoire  et  dans son sens  étymologique pour désigner  l’expiation des fautes révéle la mémoire  des  fêtes de la haute antiquité . Cette fête  tire son nom de l’usage que l’on avait , celui d’attacher aux branches des arbres des cordes au moyen desquelles les jeunes filles étaient balancées ou faisaient balancer des poupées, en chantant une complainte appelée la Chanson de l’errante. (20)

* L’escarpolette, un mythe , une réalité.

Certains philosophes ont tenté de donner un sens plus rationnel que mythologique pourtant quoi de plus rationel qu’un mythe dans son sens Platonicien.

A la base il y a une  dominante, réflexe de la verticalité. La jeune fille sur sa joghléla a le sens inconscient de la verticalité dans un organe spécial, et le sens dynamique la pousse à gagner sans cesse en verticalité. Gela apparaît nettement dans le rêve de vol, (thèse de Freud et de Bachelard dans lequel l’imagination dynamique est verticalisante et trouve ses plus grandes satisfactions. Le jeu de l’escarpolette, c’est d’abord une sensation de montée : la jeune fille  quitte le sol (la terre) elle est lancée verticalement dans l’air, (d’où l’intelligence du mot joghléla « décoller » c’est comme une promesse de voyage céleste, L’escarpolette, il est vrai, redescend, la jeune fille  touche la terre, mais pour remonter ensuite verticalement. Ce battement à deux temps reproduit aussi le mouvement de la psychologie ascensionnelle pour prendre une impulsion nouvelle et retrouver une énergie  nouvelle et facile.

A cette  verticalisation, se superpose et se mêle intimement le  rythme, de la direction relativement horizontale, avant-arrière, qui est le mouvement de balancier de l’escarpolette qui compose  du spectacle du jeu de l’escarpolette. Ainsi, l’escarpolette peut devenir un navire céleste; pour Bachelard qui  a montré comment le bercement rythmique d’une barque induit le rêveur à imaginer que la barque quitte l’eau et s’élève en l’air. Or, aux Indes, dans le Brahmana, l’escarpolette est expressément appelée « le navire qui conduit au ciel » et la jeune fille qui se balance c’est « l’oiseau qui s’envole au ciel ».

La  verticalisation ascendante est en rapport direct avec les rites de la fécondité. C’est, en effet, une coutume répandue dans les pays les plus divers, de se balancer, au printemps ou au début de l’été, pour agir sur la croissance de la végétation ou obtenir une bonne récolte.

En  Inde, en mars-avril, l’anthropologie réciproque a  longuement développé un rituel fort répandu et fort connu celui des  femmes et des  jeunes filles qui se balancent en l’honneur de la déesse Gauri pour assurer de bonnes récoltes. On retrouve les mêmes rites au Népal, juste avant la récolte du riz pour la Fête de Dassera .

Or, dans tous ces cas, il est précisé que, dans pratiquement toutes les croyances ,l’escarpolette plus elle s’élève haut, plus les tiges des plantes grandiront.

Certains signalent aussi  le caractère érotique de l’escarpolette fortement sexualisée en Afrique du Nord : la femelle en chaleur ouvre sa vulve face au vent du Nord qui la féconde .

Quant à la présence de l’eau,( sari’j) et du végétal, (roma’na) inutile d’y développer leur symbolique  car tout est lié à la fertilité,à la jeunesse, la vivacité ,  à la fraicheur, à la fécondité , et aux rites agricoles liés à la vie et à la survie , un symbole pour la survie de l’art hawfique.

– Musique  vocale pérenne ou en déclin ?

 Notre interrogation est double. Le hawfi en tant que succédané résiduel   ou ancêtre même des premières voix musicales des premières humanités pour célébrer Dieu .

les souffrances , les angoisses , le malêtre, a t-il   aujourd’hui suscité dans le chant ,  certains repérages à partir de l’occultation de la symbolique de la voix , de la désacralisation du cosmos, de la valorisation d’un temps linéaire, de la mutation des structures socio-politiques qui ont entraîné une décadence, une désinstitution de la musique vocale féminine    dans de très nombreux foyers tlemcéniens. Par cet interdit absolu  du chant et de la musique aujourd’hui, le hawvi  n’est – il  plus qu’un  résidu du folklore, de l’esthétisme du spectacle dans les orchestres .Il est clair que nous devons  aussi tenir compte  des dérives des  courants extrémistes religieux qui  ont  exclu toute forme de pensée antique en alignant certains aspects du chant  hawfi  au sein de nos traditions citadines  n’est–il pas purement et exclusivement humain et d’origine religieuse même si les rituels hérités du  paganique, mazdéïque, judaïque, christique ou  islamique, demeurent profondément en relation avec  la transcendantalité.

Al hawfi   qui n’est qu’un langage propre à l’homme, aujourd’hui ,  comment  protéger la disparition de ce langage   lorsqu’ ont disparu du paysage de la cité tlemcénienne  d’autres pratiques musicales ou d’autres chants comme celui des berceuses.  La surmodernité et le trans-humanisme  sont aussi des raisons de taille issues de l’hégémonie occidentale et du mimétisme occidental , de la domination coloniales culturelles et linguistiques.

Comment donc ne point négliger les aspects opératoires de ce chant  et de son cérémonial  qui constituent une part fondamentale  de la personnalité collective tlemcénienne (18) pour la formation de l’individu dans son individuation ?

Mais il est sûr aussi que face aux pratiques musulmanes, ce chant est considéré comme une transgression des prohibitions mais il faut souligner que cette transgression a une fonction à savoir redonner vigueur à un mode oublié du Sacré qui se réduit dans des habitudes hors de la sphère du sacré. Considéré par l’extrémisme musulman comme sacrilège aujourd’hui, le chant « hawfi » peut –il déranger un certain ordre du désordre parce qu’il porte atteinte au sacré.

Faut-il signifier que le chant hawfi  se dégrade? Et s’il y a dégradation comment penser cette pensée récurrente de faire revivre le passé mythique tlemcénien avec la musique vocale pour faire revivre le chant des escarpolettes dans la transgression des interdits qui complique la pensée musulmane si paradoxale aujourd’hui. (Et qui fut il y a des millénaires une tradition de thérapie pour oublier les moments difficiles de la journée. l’une des références multiples rapportées par nos chants (voir Yelles chaouch et lire quelques passages !)

Quelle représentation de la musique vocale aujourd’hui? Le hawfi  serait-il en déclin ?Serait-il un chant  en mutation? Formation et déformation de l’analogie musique et chant ?Ce chant  n’est-il plus  cette  philosophie à l’épreuve de la vocalité ?Al hawfi  croise-t-il un mythe confisqué? Quel est ce mythe ?

Son projet est-il une mise en vocalité vivante de la pensée musicale qui nous aide à comprendre le rapport entre le chant et la pensée?

La modernité dans notre cité  est-elle si présente au point de devoir  mener un combat pour protéger les rituels  du désir mimétique occidental qui ne vit plus que des débris des  musiques qui prêtent à l’ennui ?

Al hawfi  n’est-il pas aussi cette démarche de l’anthropologie philosophique et psychanalytique ?

     Comme toute musique sacrée le chant « hawfi » n’est autre que cette  transcendantalité qui manœuvre pour retrouver son Soi?

Il y a que , chacun de nos questionnements à ce sujet ne cesse de  déboucher sur de nouvelles interrogations. Que faire  pour un retour à l’expiation des fautes  pour obtenir le pardon de Dieu,  faute à la surmodernité et aux technologies avancées?

Depuis l’antiquité et nous l’avons vu est un ensemble des règles de composition du chant spécifiquement féminine pour nos filles et nos jeunes filles . faire un appel aux femmes tlémcéniennes en mesure de transmettre dans la rigueur ce chant  en déclin pour ne point dire disparu puisqu’il subsiste encore dans certains orchestres de notre musique classique algérienne.

Comment procéder à une pérennité de ce  patrimoine musical vocal ! Ou comment éviter son déclin ? Comment penser les suggestions, et les  propositions pour que ce chant dans nos foyers reprenne vie !

Le   hawfi, coeur  et esprit  a fini par se décliner pour ne point dire   de disparaître assassiné. Rappelons aussi qu’il est  un art lié aussi à des coutumes , à des droits,  à des religions,  à des structures sociales, à des mentalités,  qui  sont  une catégorie de l’esprit du patrimoine musical des femmes  comme tournées vers un mysticisme. qu’il « peut se fonder lui-même » pour montrer que leur  expérience vocale est  authentique et qu’elle concerne  aussi en quelque sorte les  manifestations culturelles différenciées de la vie quotidienne des femmes tlemcéniennes .

Aujourd’hui le hawfi en  se rapprochant  de notre modernité dénonce cet universalisme  si paradoxal et si imparfait, car l’humain est au centre et il est  aujourd’hui souvent exclu.

 Que  faut-il donc faire  pour que  le chant hawfi ne s’isole pas , pour qu’il puissse vivre et se pérenniser et parvenir à retourner à l’espace féminin . Que faut-il donc faire pour que les femmes ne s’isolent pas du hawfi?

Faut-il aborder la question de l’enseignement du hawfi aux filles et aux jeunes filles  comme une science expérimentale par le procédé de l’apprentissage, de la pratique de la musique vocale. Comme nous n’avons pas su protéger le ney  (l’aulos) qui a complétement disparu de nos orchestres tlemcéniens, il en sera de même pour notre hawfi !

Et l’on vivra sa disparition comme une amputation d’un de nos organes, physiques et biologiques . Il est le substitut de la voix. Il est dans sa philosophie, cette voix humaine  qui éduque et qui instruit  , et  nous laisse sans voix dans ses multiples sens et double sens. D’où cet appel énergique à pérenniser notre musique vocale  car il est aussi une  quête de l’Absolu.

Aujourd’hui nous sommes tous des  ignorants de la science musicale vocale  il n’y a pas lieu de ne pas accepter la critique et reconnaître nos  maladresses synonymes d’ignorance. J’en fais partie assurément.

La surmodernité et la dystopie (dans le sens du dysfonctionnement des lieux et cette architecture cubique hégémonique de l’occident  ont favorisé la disparition  du  hawfi de ses lieux  car il a perdu son espace.

Ne risque t-il pas de se retrouver dans sa propre musique vocale  comme un organe  qui n’est plus à sa place à un endroit du corps.  Il  est un chant qui se vit; il ne peut  retrouver  son espace architectural. Plus de joghlila, plus de sari’j, plus de khassa, il est aujourd’hui une dystoponymie musicale.

L’anthropologie de la surmodernité  s’oppose à la notion de son lieu anthropologique. Quant à préserver le hawfi par la transcription musicale serait-il un projet philosophique suffisant et techniquement sérieux ?

Il reste que les textes  nous servent de pistes de recherches   comme parmi tant d’autres celles : (23) Yellés Chaouch Mourad. Le Hawfi,Poésie Féminine et tradtion orale au Maghreb.1990.pP.326, 224,322,253,233….

 – de la vie religieuse :p.326

يا مي يا لالة فرائض الوضوء سبعة ‫  = ma mère, Ô ma déesse, sept obligations pour les ablutions

يا مي يا لالة غسل الفم و نيفي = ma mère, Ô ma déesse, se rincer la bouche et le nez

يا مي يا لالة  غسل اليد و رجلي =ma mère, Ô ma déesse, se laver les mains et les pies

يا مي يا لالة مع الرأس و وذني = ma mère, Ô ma déesse, s’essuyer la tête et les oreilles

يا مي يا لالة زيد الفور و النية = ma mère, Ô ma dèesse, ajouter à cela  la force de  la foi

– de la nostalgie des lieux de vie : p.224

سلامي على للالة ستي الراقبة على الاوطان  = mon salut pour   lalla setti qui domine les alentours

المشفعة للرجال سلطانة النسوان =  sultane de toutes les femmes, elle exhauce les voeux des mâles

  سكنانها في الجبل مرسوم بالحجران  =sa demeure sur la montagne construite de pierres

سلامي على الوصلة الراقبة على تلمسان = mon salut pour pour cette deesse  qui domine la ville de Tlemcen.

– de la parure de la femme  et ses effets érotique: p.322

يا الماشية في الرياط و تجري في فوطتها = toi qui te promène dans le jardin et qui   cout avec sa fouta

من صابني يالالة خلخال كعبتها = Ô Déesse comme j’aimerai être, un anneau autour  de sa cheville!

من صابني يالالة حزام صرتها =Ô Déesse comme j’aimerai être,une ceinture autour de sa taille

من صابني يالالة شركة في رقبتها  =Ô Déesse comme j’aimerai être, un collier autour de son cou

من صابني يالالة منديل قصتها  =Ô Déesse comme j’aimerai être, un foulard autour de ses cheveux

 من صابني يالالة مولى خيمتها  =Ô Déesse comme j’aimerai être, le maître de sa demeure

من صابني يالالة أنبوس الخد اليمين  واعض شفتها‫! = je baiserais sa joue droite et je mordrais ses lèvres.

– de la dot de la jeune fille :p.253

بنتي في جغليلة ووشعرها مطلوق = ma fille se balance sur l’escarpolette 

قولوا الولد عمها يطرطق الصندوق = dites à son cousin germain de lui ouvrir son coffre

يعطي مائة في المية  والمياة في العبروق = pour lui offrir 100 pièces d’or et 100 pour sa mantille

 يعطي المية في المية وااخادم تربي = et des centaines de pièces pour la nourrice de ses enfants

– de la vie amoureuse: p.233

غرست ياسمينة في قلب وسط الدار = j’ai planté le jasmin au milieu du patio

اروقها اسكنجبير  واطرافها نجار = ses racine de gingembre et ses tiges vert-de-gris

 يا امي يا امي، ما أقوى حب الجار = ma mère, oh ma mère combien est fort  l’amour  du voisin

الشوق في العين والقلب شعلت فيه النار = au regard plein de désir et le coeur enflammé

Conclusion

Le sens tragique  des modifications  n’accepte   plus entendre  le  hawfi, dans la négation de son architecture, de son arché et de sa philosophie.

Comment d’une manière nietzschéenne peut -on conclure : Drame  de l’art hawfique ou  le Hawfi de la tragédie?

Comment bousculé par la civilisation musicale numérique et la postmodernité al hawfi  pourrait -il être en conformité avec les valeurs humaines et morales dont il se réclame?

 Le déphasage est de taille et antipodique . Le hawfi apprend beaucoup à la philosophie , car il nous apprend à nous à nous questionner , il est donc urgent de s’efforcer de faire revivre la tahwifa qui décline dans l’agonie et de lancer un  appel aux femmes tlémcéniennes en mesure de transmettre dans la rigueur l’art hawfique . Il  disparaît peu à peu  même s’il subsiste encore dans certains orchestres quelques voix masculines qui inversent le statut de la musicale vocale féminine.

Comment aujourd’hui l’art  hawfique puisse devenir une école d’apprentissage particulièrement pour l’éthique, le savoir vivre, et l’art de penser et de réfléchir sur  des questions humaines ?

Comment redonner vie à ce projet pédagogique et philosophique pour nos jeunes filles afin que  la femme tlemcénienne continue à demeurer la gardienne de sa Cité ?

Aujourd’hui comment peut-on inscrire la  musique vocale féminine tlémcénienne dans le registre  de l’  Eutopia?  ou de l’ Atopia?

Notes

1-Architecture et musique sont deux disciplines qui s’animent se complètent et s’intercompénètrent . Nous sommes dans le décloisonnement des sciences afin de mieux percevoir les spécificités du hawfi الحوفيم et de les comprendre.

Il est souvent d’usage d’accoupler les deux disciplines :Musique et architecture . Nous ne pouvons trouver meilleure illustration que celle de Yanis Xenakis parmi tant d’autres et ce depuis des millénaires tel que Imhotep.

2- La langue arabe plus explicite  pour la voix usera de deux acceptions pour la bouche :

     – (al fem) en tant qu’organe,

     – al fe’h en tant que vocalité, expulse les sons.

3-En arabe comme en phénico syriaque « Phél » a le même sens que Philo  du  composé de Philo- Sophia » et signifie « la bonne augure الفأل» et son succédané « le mystère, le miracle السر، الاعجاز  » et « logis » tire son sens de « logho » dans le sens de اللغة dans son acception linguistique pour désigner la langue. Le philologique serait donc cet apport mystérieux et de bonne augure pour l’étude des mots, constituants de la langue dans sa définition en général.

5- Henri Maldiney : l’art , l ‘éclair de l ‘être , Seyssel, Comp’Act ,1993, p.72

6-Toutes ces manifestations de l’humains sont compilées  par Yelles Chaouch Mourad dans son son ouvrage intitulé  «Le hawfi poésie féminine et tradition orale au Maghreb, P218 à p.383 Alger, Office des Publications universitaires,1990

7 – R. Muller et F; Fabre , Philosophie de la musique , J.J Rousseau , Essai sur l’origine des langues,p.96 2013.

8-Le répertoire de toutes les compositions poétiques , nous l’avons puisé pour comprendre le projet pédagogique et philosophique de l’art hawfique, à travers une importante compilation des thématiques, de  Mourad Yelles Chaouch dans son ouvrage intitulé « Le Hawfi, Poésie féminine et tradition orale au Maghreb;Alger , OPU, 1990, pp.218 à 392.

9 -Le récit est un mode d’investigation de la réalité et de la transmission d’une mémoire collective orale qui n’est pas spécifique au textes chantés tlemcéniens puis que l’on  retrouve cette tradition orale  ailleurs y compris dans les espaces lointains tout comme dans la langue mithili.

10 -Afin d’éviter toute catégorisation et se rapprocher de l’universalisme du chant hawfi qu’il est un patrimoine plus  que tlémcénien; il est est patrimoine de l’humanité, il est bon de l’inscrire aussi dans le répertoire des  chants du   Maithili, qui s’expriment par la voix et sans instruments de musique identiques à celles de l’Uttar Pradesh et du Rajasthan. Chants identiques au parlando rubato. Chants non transcrits et ritualiques. Tout comme le Hawfi ce chant  dans la tradition féminine associe la voix à des thèmes visuels . Comme pour le rituel  hawfi et ses images réelles des objets de la flore et de l’eau  en Inde la voix des femmes est  en  relation avec  l’art des images et la tradition orale.

11-Le sens de  « mysticisées » de son radical mysticos rend compte de son étymologie et signifie «  initier, enseigner » et cadre avec l’iniation de la jeune fille à la vie et à l’enseignement des valeurs morales  et humaines .

12- -De nombreux passages de  Belnet Frédéric à ce sujet traversent les pages  de son ouvrage «  les premiers musiciens de la Préhistoire- Article en partenariat avec Historia »: http://www.hominides.com/html/references/les-premiers -musiciens-prehistoire-0686.php

13 – Un principe identique aux contes indiens de Pilpay  ou Kalila we Dimna qui ont beaucoup inspiré Jean de La Fontaine  à travers ses fables.

14- Voir note (23)

15 -A contrario, les sociétés  rurales, leur poésie  née dans les campagnes est quelque  peu différent. Il est un chant qui se définit comme un appel à la vie dure du terroir et l’austérité des conditions de vie. Leur espace  est différent de l’espace du hawfi  qui est plus citadin, plus raffiné , plus souple dans ses complaintes, qui mêle douceur et tendresse ,bonheur  et tristesse.

16 – Jean Hani: La fête athénienne de l’Aiora et le symbolisme de la balançoire; Article , Revue des études grecques ,1978,91-432-433 pp. 107 à 122.

17 – A titre d’exemple nous proposons  le son de qirmiz,  قرميز la couleur rouge  qui se prononce ghirmiz  غرميز en persan ‫.

19 – C ‘est au XVIème siécle  qu’Agrippa d ‘Aubigné atteste de ce  terme d’escarpolette qu’il formule  en vieux français : « Le tout ainsi arresté, et les assiegez aians garni les flancs de fauconnaux, et quelque pierrier, mettent leur femmes en sentinelles aux autres endroits et se trouvent à l’escarpolette » (D’AUB. Hist. III, 136)

20 –  La chanson de l’errante . (ref. internet)

21 –  En effet la philosophie se définit en créant des des concepts , l’architecture les conçoit ; toutes deux s’accouplent  dans leur fonction structurante et expressive pour construire l’une des idées l’autre des espaces dans un temps

22- Par analogie, le hawfi a commencé aussi à se déplacer avec les lessiveuses auprès des cascades de ‘lOurit, disparu, tout comme  la culture gastronomique tlemcénienne  d’un gâteau sec aux milles parfums , Al ka3k qui est pétri avec la force  du  rituel du chant hawfi . Aujourd’ hui ka’ak et  chant ont disparu  par le phénomène de l’industrialisation. Rares sont les foyers tlemcéniens hormis  quelques familles aristocratiques qui continuent malgré leur ouverture à la modernité à ne pas faire fi des traditions culinaires et musicales.

23-  Yelles Chaouch Mourad, Le Hawfi,Poésie Féminine et tradtion orale au Maghreb.1990.pp.326, 224,322,253,233….

Bibliographie

  1. Bachelard, L ‘air et les songes, Paris, José Corti 1943, p.272
  2. Bencheneb, Chansons de l’escarpolette , in Revue Africaine , Tome 89,1945, pp. 89-102

4- Belnet Frédéric,

«  les premiers musiciens de la Préhistoire- Article en partenariat avec Historia »: http://www.hominides.com/html/references/les-premiers -musiciens-prehistoire-0686.php

Francesca Cassio, Artistes ou concubines ? La tradition vocale féminine en Inde du Nord.

Traduction de Ramèche Goharia. p. 79-101

D.. Charles , Barthes ou la langue dans l’oreille 1981, in La fiction de la postmodernité selon l’esprit de la musique, Paris,PUF/Thémis,2001,p.143

Philippe Charru Quand le lointain se fait proche ; La musique , une voie spirituelle

Seuil ;2011

  1. Colonna ; Questions à propos de la littérature arabe comme savoir, in Revue de l’Occident musulman de la Méditerranée, N°22,2ème semestre 1976,pp. 17-26.

Jean Hani,La fête athénienne de l’Aiora et le Symbolisme de la balançoire [article] Revue des Études Grecques  Année 1978  91-432-433  pp. 107-122

-Hautbois Xavier, des sons de la nature et de la civilisation dans la musique occidentale : une bréve histoire du bruit, l’Harmattan,2015p;17-28<hal-01559> URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-0155930 Submited on 10 jul 2017

  1. Jouin,Chansons de l’escarpoletteà Fés et Rabat-Salé, in Hespéris- 3ème et 4ème trimestre , 1954 pp. 341-363.

Matthieu Guillot, Dialogues avec l’audible.2006.p.9, L’Harmattan

Hassina Kherdouci,Poésie et chanson féminines de Kabylie

Dans Études et Documents Berbères 2008/1 (N° 27), pages 5 à 26.

-Henri Maldiney,l’art , l ‘éclair de l ‘être , Seyssel, Comp’Act ,1993, p.72

-Paul Valéry,Tel Quel l Paris , Gallimard, 1951, p.142 I’oreille parle , la bouche écoute

-Alain Poirier,Toru Takemitsu , Paris, Michel de Maule,1996,p.63-64.

ce qui disait Toru Takemitsu « Ecouter signifie probablement se changer soi-même en son en existant en lui »

-J.J. Rousseau,Essai sur l’origine des langues et autres textes sur la musique, Paris, Garnier-Flammarion, 1993.

-Paul Valéry, Tel Quel lParis , Gallimard, 1951, p.142 I’oreille parle , la bouche écoute

– Jean Wahl, Poésie et vérité, Poèmes (Ed. de l’Arbre,1945)« Et cette voix s’ouvrant simple sur les mystéres… »le mystére des langues.

  1. Weill, La musique, un art de penser? Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006.

3- Ourad Yelles Chaouch, «Le hawfi, poésie féminine et tradition orale au Maghreb, Alger Office des Publications universitaires,1990

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