ROLE DE LA LANGUE DANS LA PRESERVATION DE LA CULTURE AMAZIGHE A L’ECOLE : APPORTS THEORIQUES
THE ROLE OF LANGUAGE IN THE PRESERVATION OF AMAZIGH CULTURE IN SCHOOL: THEORETICAL CONTRIBUTIONS

Prepared by the researche : Ismail MERHARI ‘ Faculté des lettres et des sciences humaines Fès-Saïs (Maroc)
DAC Democratic Arabic Center GmbH
International Journal of Amazigh Studies : Fourth issue – September 2025
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
ISSN 2944-8158
International Journal of Amazigh Studies
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1.Introduction
La culture amazighe est un patrimoine ancestral aussi bien riche que diversifié qui fait face à de nombreux défis dans un monde de plus en plus mondialisé.
L’amazighe, langue essentiellement orale qui a connu ces dernières décennies un changement statutaire et a passé par conséquent d’une langue orale disséminée en une variété de dialectes et de parlers, à une langue officielle et enseignée.
Actuellement, la langue constitue un élément essentiel pour la préservation de la culture. L’enseignement de la langue amazighe à l’école présente un double objet. Il porte aussi bien sur les différentes disciplines de la langue que sur la culture véhiculée par cette langue.
Lorsque nous parlons une langue, cela signifie que nous interagissons également avec la culture véhiculée par cette langue. On ne peut pas accéder directement à une langue sans comprendre sa culture car l’une et l’autre sont deux parties indispensables dans le processus de l’enseignement- apprentissage d’une langue.
En effet « La langue et la culture sont dans un rapport étroit d’interdépendance : la langue a, entre autres fonctions, celle de transmettre la culture, mais elle est elle-même marquée par la culture » (Calvet : 2002, p.5). Autrement dit, la langue véhicule la culture et représente en même temps une des facettes de la culture.
Le présent article, intitulé « rôle de la langue dans la préservation de la culture amazighe à l’école : apports théoriques », présente un double objet. Il cherche dans un premier temps à clarifier l’étroite interdépendance entre la langue et la culture pour conclure que l’enseignement d’une langue est indissociable de l’enseignement de l’identité culturelle. Il démontre dans un deuxième temps que l’enseignement de la langue amazighe est l’un des principaux moyens de transmission de la culture amazighe.
Alors, dans quelle mesure l’utilisation et l’enseignement de la langue amazighe à l’école peuvent-ils contribuer à la préservation et à la valorisation de la culture amazighe ? Quels sont les apports théoriques qui soutiennent cette démarche ?”
En bref, nous cherchons à répondre à quelques questions : Qu’est-ce que la langue ? Qu’est-ce que la culture ? Quel est le lien entre eux ? Pour enfin s’interroger sur la pratique de l’enseignement de la langue amazighe et son rôle dans la préservation de la culture.
2.Langue et culture : quelle corrélation ?
Il s’avère nécessaire de définir dans une perspective de clarification quelques concepts clés. Les concepts langue et culture tiennent une place importante dans le cadre de cet article, il nous semble alors particulièrement justifié de les définir en premier lieu.
Naturellement, ces définitions visent entre autres à dégager les principales caractéristiques des liens entre la langue et la culture.
2.1.La langue
La langue peut être définie dans un sens général comme un système de signes convenu et utilisé d’une manière particulière par un groupe de personnes. Tous les dictionnaires consultés s’accordent pour dire que la langue est un système : « Système de signes vocaux, éventuellement graphiques, propre à une communauté d’individus, qui l’utilisent pour s’exprimer et communiquer entre eux. » (Larousse).
La langue est un système de signes qui sert de moyen de communication humaine, de pensée, de transfert d’expérience sociale, de normes et de traditions culturelles, de mise en œuvre de la continuité des générations.
La langue est aussi un système de moyens phonétiques, lexicaux et grammaticaux qui sont un instrument pour exprimer des pensées, des sentiments, l’expression de la volonté, la communication des personnes, la transmission de génération en génération et stockage d’informations. La langue comprend donc la phonologie, la morphologie, la syntaxe et le lexique.
Traditionnellement, la langue est un outil pour communiquer et transmettre des pensées, des idées, des concepts ou même des sentiments et des émotions.
Nous pouvons avancer aussi que la langue est constitutive de l’humain : « L’homme pense, sent et vit uniquement dans la langue ». ( Humboldt : 2000, p.157).
La langue, élément unificateur d’une communauté linguistique, se construit dans un rapport de transmission et d’appropriation d’une génération à l’autre. Elle contribue à serrer profondément le lien entre les individus et leur communauté d’appartenance.
En outre, la langue est un produit social, ainsi « La langue n’est pas un libre produit de l’homme individuel, elle appartient toujours à toute une nation ; en elle également, les générations plus récentes la reçoivent des générations qui les ont précédées ». (Humboldt : 2000, p.97)
C’est-à-dire une création des personnes et elle est née du besoin de communication, de compréhension et de coopération des personnes.
En partant de ces définitions, deux fonctions majeures sont alors liées à la langue à savoir celle de communication et celle d’expression.
– La communication sert de moyen de transmission et de réception d’informations entre les personnes. Elle représente l’échange de messages entre au moins deux personnes, dont l’une exprime une information et l’autre connaît le code.
Elle représente essentiellement un facteur de connaissances.
« La langue est souvent considérée comme un simple instrument de communication. Elle joue cependant un rôle central dans la découverte, l’identification et le stockage de nouvelles connaissances. La langue permet aux connaissances d’être transmises dans le temps et de faire l’objet de discussions et de controverses, fondamentales pour assurer leur validité. La permet la diffusion des connaissances.» (BEACCO, Fleming, Goullier, Thürmann, & Vollmer : 2016, pp.19-27).
La langue est un outil important de communication, de compréhension et d’acceptation ou de rejet des autres.
– La langue n’est pas seulement un outil de communication mais aussi un moyen d’exprimer des opinions, des sentiments, des questions, etc.
À côté de la communication et de la connaissance, la langue joue également un rôle affectif : elle permet l’expression des états émotionnels propres des locuteurs et l’identification des états émotionnels des autres.
Les utilisateurs de la langue s’expérimentent à la fois par des instruments verbaux (expressions, mots spécifiques, etc.), et des instruments non verbaux – mimiques, gestes, postures.
En bref, la langue est un système de signes vocaux propres aux membres d’une même communauté et elle est le premier et principal outil de connaissance, car elle représente l’incubateur parlé ou écrit des différentes idées humaines.
Il n’est pas concevable que la transmission des idées entre les personnes soit possible sans l’existence de la langue.
2.2.La culture
Depuis le début des années 1980, le terme culture est peut-être le mot le plus fréquent dans les discours académiques et populaires. Le flux de toutes sortes d’usages de la culture, que nous rencontrons presque quotidiennement, en sont la preuve – culture alimentaire, culture sportive, culture médiatique, culture des immigrés, etc.
Ce large spectre de cultures démontre que la culture est un domaine contesté, où différents groupes, intérêts et individus se disputent les significations qui doivent prévaloir. Cela signifie également que la culture occupe une place importante dans la sphère sociale, économique et politique.
Le concept « culture » peut être compris alors très largement et présente diverses significations. Il peut être défini de différentes manières selon le point de vue et le type de recherche mené. Aucune définition ne peut donc le circonscrire.
A cet effet Byram souligne qu’« il n’y a dans la pratique aucune définition unique et universellement reconnue de ce qu’est la culture.» (Byram :1992, p.68).
Morin va plus loin lorsqu’il la caractérise comme « mot piège, creux, somnifère, miné, double et traître.» (Morin : 1975, p.97).
Etablir une définition précise et complète de ce terme semble tenir de la gageure sachant que la diversité des significations et des usages de ce concept dans des domaines variés (anthropologie, sociologie psychologie, ….), semble illimitée car elle renvoie à de multiples sens et usage. Cependant, il est important que nous ayons une compréhension commune de ce que nous entendons par le terme « culture ».
A ce propos, nous proposons d’abord de se pencher sur son étymologie, de découvrir des définitions extraites des encyclopédies et des dictionnaires qui sont d’accès facile au chercheur. Nous mettons ensuite l’accent sur quelques définitions élaborées par des théoriciens et des chercheurs pour bien éclairer cette notion.
Si nous nous référons à l’aspect étymologique, nous constatons que le mot culture, issu du latin cultura, désigne l’« action de cultiver la terre » et au figuré «action d’éduquer l’esprit, de vénérer. » (Rey :2022, p.579).
Dans les dictionnaires, ce terme est défini dans le petit Robert (1991) comme étant : « le développement de certaines facultés de l’esprit par des exercices intellectuels appropriés. Par extension c’est un ensemble de connaissances acquises qui permettent de développer le sens critique, le goût, le jugement ».
De sa part, le dictionnaire Larousse (1988, p.251) le définit comme étant « Un ensemble de manières de voir, de sentir, de percevoir, de penser, de s’exprimer, de réagir des modes de vie, des croyances, un ensemble de connaissances, de réalisations, d’us et de coutumes, de traditions, d’institutions, de normes, de valeurs, de mœurs, de loisirs et d’aspirations ».
Le terme culture est présenté sous de multiples facettes dans les travaux des savants de différents courants.
–D’un point de vue anthropologique :
Nous ne pourrions cependant passer sous silence la définition de cette notion donnée par Edward Tylor (1832-1917), l’un des pionniers de l’anthropologie.
Ferreol et Noreck (1989, p.131) citent la définition donnée par cet anthropologue en 1871 :« Un tout complexe qui comprend le savoir, la croyance, l’art, le droit, la morale, la coutume et toutes les autres aptitudes acquises par un homme en tant que membre d’une société ».
Pour sa part, Cuche (2010, p.16) reprend dans le même sens une autre définition de cette même notion donnée par Tylor en considérant la culture comme étant : « la totalité des connaissances, des croyances, des arts, des valeurs, lois, coutumes et de toutes les autres capacités et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société ».
Nous trouvons aussi les deux anthropologues Ladmiral et Lipiansky (2015, pp.8-9) qui définissent la culture comme une notion qui « désigne les modes de vie d’un groupe social : ses façons de sentir, d’agir, ou de penser ; son rapport à la nature, à l’homme, à la technique et à la création artistique ».
Selon la définition anthropologique, la culture est donc un vaste ensemble de valeurs, de rituels, de traditions et de pratiques créés par les gens pour comprendre, interpréter et donner un sens au monde. Conformément à ce point de vue, les expériences et les conditions d’existence et de vie sont également considérés comme faisant partie d’une culture.
-D’un point de vue ethnographique :
Rappelons que l’ethnographie est l’étude descriptive de la culture des peuples, de leur langue, de leur race, de leur religion, de leurs habitudes, etc., ainsi que des manifestations matérielles de leurs activités. C’est la science des ethnies. Du grec ethos (culture) + graphe (écriture).
La définition suivante illustre bien le point de vue ethnographique de la culture. « La culture dans son sens ethnographique est cet ensemble complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les mœurs et toute capacité et habitude acquises par l’homme comme membre d’une société.» (De Carlo : 1998, p.34.).
-D’un point de vue esthétique :
La définition esthétique se concentre plutôt sur la culture en tant qu’artefacts artistiques, littéraires et symboliques – par exemple la musique, la danse, le l’art et l’architecture.
Dans la vision esthétique de la culture, le goût, l’appréciation et la jouissance de ce qui est considérable comme beau occupent une place centrale. En langue vernaculaire, cette culture est souvent considérée comme la “belle culture”, la culture de l’élite ou encore la culture.
-D’un point de vue éducatif :
Elle est définie du point de vue éducatif comme étant :« un ensemble de manières de voir, de sentir, de percevoir, de penser, de s’exprimer , de réagir, des modes de vie , des croyances , des connaissances, des réalisations des coutumes, des traditions, des institutions, des normes, des valeurs, des mœurs, des loisirs et des aspirations. » (Larousse : 1988, p350).
En général, Le terme culture est utilisé au sens large pour tout ce que les sociétés humaines transmettent aux générations futures. Un concept aussi large de la culture comprend toutes sortes de connaissances, de compétences et de coutumes, ainsi que des valeurs et des normes, La culture est donc notre manière d’interpréter le monde extérieur dont nous sommes nourris par nos parents et dont nous faisons partie avec d’autres personnes.
Ainsi, l’Unesco (2001) définit la culture comme étant : « L’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe outre les arts, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’Être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».
De cette vision plus générale de la culture, il apparait que celle-ci englobe un certain nombre d’éléments caractérisant un groupe social y compris la langue. Celle-ci fait donc partie intégrante du patrimoine culturel d’une communauté.
En même temps, la langue est le véhicule par lequel les connaissances et les traditions sont transmises. Les histoires, les contes, les rituels et les savoirs ancestraux sont exprimés et compris à travers la langue. La langue est donc le miroir ou le témoignage vivant de la culture d’une société, et la puissance de la langue réside dans sa capacité d’être le lien entre les personnes, ou de créer des relations sociales de toutes sortes.
Elle ne se limite pas au seul domaine de la parole et de la communication car quand on parle une certaine langue, cette langue implique une certaine culture. La langue est donc un système de signes considéré comme ayant une valeur culturelle.
3.La transmission de la culture amazighe à l’école
Après avoir appréhendé les problèmes de la relation entre langue et culture, nous cherchons à comprendre comment l’enseignement de la langue peut-il contribuer à préserver et à valoriser la culture amazighe.
A cet effet, nous mettons en exergue quelques aspects de la culture amazighe, puis nous nous focalisons sur le rôle de la langue dans la préservation de la culture amazighe.
3.1.La culture amazighe : un patrimoine ancestral
La culture amazighe est une culture ancienne et diversifiée qui englobe les traditions, les coutumes, la musique, la danse et les croyances des Amazighs. Parmi les manifestations les plus importantes de cette diversité et richesse culturelles, nous mentionnons les aspects suivants :
-Les Moussems
Les Moussems au Maroc, fêtes régionales annuelles festives et commerciales, se tiennent généralement vers la fin du mois de septembre. Après la moisson, les cultivateurs emmagasinent leur production et se préparent pour la célébration des Moussems locaux qui se tiennent dans les différentes régions du Royaume.
Les Moussems locaux les plus célèbres sont :
*Moussem des Fiancés à Imilchil, le premier septembre : Ce Moussem s’organise dans le village d’Imilchil dans le Haut Atlas où les jeunes fiancés de la région se marient à cette occasion.
*Moussem des Roses organisé annuellement à Kelaa des M’Gouna, dans la vallée de Dadés connue par ses roses, le début du mois 5.
*Moussem des Cerises organisé annuellement à Séfrou au mois de juin.
– Les danses et les chants collectifs ou individuels
Les danses et les chants collectifs ou individuels font partie de la tradition orale au Maroc. «Ces formes expressives ont conservé leur originalité à travers le temps. C’est un héritage très riche qui consiste en une panoplie de manifestations culturelles comme le laissent entrevoir les danses folkloriques…les chants ». (Raggoug : 2000, pp.16-21)
En effet, plusieurs chants et danses fascinants existent au Maroc, A titre d’exemple, nous pouvons citer Ahidouss, Ahwach, et la liste est longue : « À signaler aussi le caractère local de ces différents genres. En effet chacun d’eux est propre à telle ou telle région, qui dans sa relation avec le chant l’imprègne de son empreinte spécifique ». (Ibid)
-La poésie et le conte
La poésie et le conte sont d’une grande richesse. Malgré le trait de l’oralité qui caractérise la culture amazighe, la mémoire collective des amazighs a permis la conservation et la continuité d’un patrimoine culturel aussi riche que diverse. Ceci consiste en la disposition d’un nombre de recueils comprenant les différents types de contes amazighs.
En outre, ce genre littéraire représente l’objet de nombreuses études. Ainsi, « La décennie d’études berbères de 1980 à 1990, par exemple, comptent 63 titres ». (Chaker, 1992)
La poésie aussi est d’une richesse notable. Elle est omniprésente principalement, dans les fêtes et certaines activités des amazighs à savoir la cueillette, le tissage et la moisson. Elle traite de différents thèmes, entre autres, la guerre, l’amour et la souffrance. Elle comprend plusieurs genres ; les plus connus sont : Timnadin (devinettes), Izlan (cours poèmes), tamdyazt (long poème) et Tamawayt (chanson de marche).
-Les Sites Antiques
Nous nous contentons de citer ici l’édifice antique le plus connu, le site de Tamuda. Ce site est situé à environ dix kilomètres de l’oued Martil. Selon l’économiste : « Tamuda, dont le nom berbère signifie “marais”, est le site d’un ancien noyau urbain situé dans la vallée de l’oued Martil[… ] Les fouilles dans cette ville ont révélé des vestiges qui remontent au VI siècle avant J.-C. […]» (Brignon et al. :1967, p.36).
-L’artisanat
La communauté amazighe dispose d’un artisanat riche et varié, et reste comme une tradition ancestrale, séculaire enracinée dans la société marocaine.
L’artisanat est considéré comme un savoir-faire transmis d’une génération à une autre, occupe une place intéressante dans le tissu socio culturel. Il se compose de plusieurs métiers comme la tapisserie, le tissage, la poterie, la Bijouterie, la confection des babouches, la dinanderie, …etc.
En bref, ces divers aspects de la culture amazighe témoignent de la richesse de cette culture ancrée dans l’antiquité.
3.2.L’importance de la langue dans la préservation culturelle
La culture devient de plus en plus une composante importante des programmes de langues ; ce qui laisse entendre que la culture se transmet en grande partie, dans la langue, à travers l’enseignement.
L’apprentissage de la langue amazighe n’échappe pas à ce principe. Lorsque les élèves apprennent la langue amazighe, cela implique non seulement l’apprentissage de son alphabet, la disposition des mots et les règles de grammaire, mais également l’apprentissage de la culture car il s’avère que « toute langue véhicule et transmet, par l’arbitraire de son lexique, de sa syntaxe, de ses idiomatismes, les schèmes culturels du groupe qui la parle.» (BLANCHET :2004/2005, p.6)
Ainsi, l’objectif essentiel de l’enseignement des langues ne consiste pas seulement à dispenser les règles de grammaire et à accroître la connaissance du vocabulaire afin que l’élève puisse produire des énoncés corrects ; mais aussi se concentrer sur la langue comme pratique sociale à travers laquelle les individus construisent leur identité culturelle.
Sur ce point, il semble que les auteurs des différents ouvrages consultés s’accordent à dire que la culture est non seulement indissociable de la langue, mais joue également un rôle important tout au long du processus d’enseignement et d’apprentissage des langues.
À cet égard, Charaudeau (2005) résume l’idée générale en ces termes : « quand on enseigne une langue, qu’elle soit dite maternelle, seconde ou étrangère, on sait que son enseignement est inséparable de l’enseignement du substrat culturel qui s’y attache ».
La langue est ainsi perçue comme une expression verbale de la culture. Celle-ci s’apprend, se transmet d’une génération à l’autre, par des actions humaines, souvent sous forme d’interaction face à face, et, bien sûr, par la communication linguistique.
Elle permet à cet effet, la transmission de l’histoire et des traditions, la conservation des connaissances spécifiques à une culture, la préservation de la diversité culturelle et le renforcement de la communication intergénérationnelle.
Alors comment l’enseignement de la langue amazighe à l’école peut-il assurer la continuation et la survie de la culture amazighe ?
Comme réponse à cette question, Nous visons à travers ce travail à apporter une réflexion théorique sur l’importance de la préservation de la culture amazighe dans les écoles qui peut se faire de plusieurs manières :
– Inclure la littérature culturelle matérielle et immatérielle amazighe dans le curriculum scolaire;
-Introduire des enseignements spécifiques sur la culture et le patrimoine amazighs dans les programmes scolaires, et expliquer leur impact sur le quotidien des élèves : présentation de poèmes et de pièces de théâtre les plus célèbres ;
-Encourager la lecture des poèmes et de contes amazighs en fournissant des livres de littérature de jeunesse et des ressources audio et vidéo aux écoles ; ce qui peut contribuer à promouvoir la culture, encourager la lecture et exposer les élèves à différentes formes de culture ;
– Encourager les élèves à visiter les sites historiques et archéologiques pour découvrir le patrimoine culturel du pays ;
-Visiter les musées et les expositions : Les écoles peuvent encourager les élèves à se renseigner sur les musées et les expositions, leur offrant ainsi l’occasion d’en apprendre davantage sur l’histoire et la culture amazighe ;
-Organiser des excursions sur le terrain dans diverses zones patrimoniales naturelles du pays, pour accroître l’expérience pratique et améliorer la compréhension culturelle ;
– Organiser divers événements à l’intérieur et à l’extérieur des écoles, tels que des festivals culturels, des pièces de théâtre et des fêtes permettant aux élèves d’explorer la culture qui les entoure et de faciliter leur interaction avec des personnes représentant différentes civilisations et cultures ;
-Organiser divers concours et activités : Les écoles peuvent promouvoir la culture en organisant des concours et des activités, comme des concours de poésie, de langues, etc., ce qui peut encourager les élèves à s’intéresser à la culture amazighe et à concourir de manière saine à sa préservation ;
-Gérer les discussions : les écoles peuvent promouvoir la culture en activant des discussions et des dialogues avec les élèves ainsi qu’en promouvant le respect et la compréhension de la culture amazighes : naissance, mariage, moussem ;
-Encourager les élèves à mener des recherches et réaliser des activités pratiques axées sur certains aspects de la culture amazighe ;
– Utiliser efficacement la technologie, en créant des sites Web et des applications pédagogiques pour afficher des informations historiques et culturelles de manière interactive et attrayante pour les étudiants.
Certaines de ces méthodes peuvent être mises en œuvre par les enseignants et les familles d’élèves qui peuvent aider à améliorer l’intérêt pour la culture et le patrimoine amazighs dans les écoles.
Ces différentes manières d’agir peuvent contribuer à :
- Garantir la pérennité de la langue et la culture amazighes ;
- Donner une image claire du mode de vie, des valeurs morales, des coutumes et des traditions de la société amazighe ;
- Transférer les connaissances et les informations historiques amazighes.
- Diffuser la culture et les arts et élever le niveau de conscience culturelle amazighe ;
- communiquer des idées, des significations et des valeurs amazighes à travers différentes générations ;
- Encourager la créativité et la production culturelle amazighes ;
- Développer la personnalité et la conscience intellectuelle et culturelle de l’élève amazigh.
En guise de conclusion, nous pouvons avancer que la langue n’est pas simplement un ensemble de mots, de règles grammaticales, mais surtout une entité qui relie un individu à sa famille, à son identité, à sa culture, à ses croyances et à ses valeurs. Elle est porteuse d’histoire, de traditions, de coutumes d’une génération à l’autre. Sans langue, aucune culture ne peut soutenir son existence.
Notre langue constitue un aspect fondamental de notre identité culturelle. C’est à travers la langue que nous transmettons et exprimons notre culture et ses valeurs.
Nous pouvons avancer également que la langue contribue à la construction identitaire du sujet individuel et constitue aussi en tant qu’objet partagé par un nombre de personnes d’un même groupe, un volet spécifique de l’identité culturelle.
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